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Detroit en mode autophage...

5 Septembre 2011 , Rédigé par Patrick REYMOND Publié dans #Economie

Chronos dévorait ses enfants, jusqu'à ce que Zeus le tua à son tour.

 

Detroit nous livre des indications précieuses sur la manière dont meurt, ou plutôt se contracte une cité.

Car, c'est un processus.

Il est simple à expliquer. Une ville grandit en fonction de son nombre d'habitants. Le jour où celui-ci, pour une raison ou une autre, généralement une crise économique, voit son nombre baisser, elle rentre dans une crise immobilière, d'abord, ensuite dans un processus de destruction organisé, ou plutôt totalement empirique, à l'initiative de ses habitants.

 

D'abord, voir baisser le nombre d'habitants, fait baisser aussi, avec un temps de retard, les loyers. C'est le premier effet, plutôt positif.

Ensuite, il y a phénomène de reclassement immobilier. Les personnes restantes vont acquérir ce qui est à vendre pour s'agrandir et acquérir un plus grand confort.

 

Ce phénomène, s'il est lent, peut être géré, c'est une "stéphanisation" (de Saint-Etienne), qui a vu son centre-ville se vider de ses habitants. D'abord, le remembrement a lieu, étages par étages, et atteint finalement l'immeuble complet. On atteint le stade de la "ville à la campagne", avec un ménage par maison.

Ces villes en crises sont faciles à reconnaître, il suffit de regarder les boites aux lettres. A l'entrée de l'immeuble, il reste un nom, parfois deux.

Ce phénomène est aussi courant au Puy. Mais, d'après ce qu'on me dit, c'est aussi visible dans bien des petites/moyennes villes.

 

Mais, ce n'est que la première étape. Parce que ces remembrements, s'ils donnent du confort à court terme, sont épuisant financièrement (même si les prix ne sont pas chers dans l'absolu), et font monter en flèche le prix de l'entretien. En effet, entretenir un immeuble est aussi coûteux avec un habitant qu'avec 25.

 

Quand vient le temps de l'entretien, on s'aperçoit qu'il n'y a pas/plus d'argent. Et un parc immobilier périclite. 

 

Bien entendu, quand ce phénomène est plus rapide, il devient ingérable, le voisinage ne peut absorber ce départ de la population, surtout sur des bases pavillonnaires.

Il faut un ménage pour un pavillon.

 

On va donc avoir des abandons purs et simples. Plus ou moins bien gérés. Ce sont ces immeubles en attente des héritiers, parfois, ceux-ci reviennent ils dans l'endroit qui les a vu grandir, mais le plus souvent, l'entretien tombe à zéro, le chauffage inexistant multiplie par 10 le vieillissement.

Arrivé à ce stade, d'un immobilier bloqué dans ses composantes anciennes, et qui voit partir ce qui reste de gens solvables dans du neuf, il reste à attendre l'acte suivant : la perte de valeur.
Usé par des années ou des décennies d'attente, hors bulle, le propriétaire ouinneur est beaucoup plus malléable.

En fin de compte, il se débarrasse (pour celui qui le peut) et pour les autres, ils laissent périr. On voit se constituer les squats, qui amènent encore la valeur à décoter.

 

Bien sûr, dans quelques régions, tout se loue. On arrive à caser des taudis. Mais pas partout. Quand la population décroît, l'immobilier à terme, devient un déchet.

 

Rentre en compte donc, le dernier acteur, le démolisseur. Le démolisseur n'est pas un professionnel, contrairement aux apparences. C'est un pauvre qui cherche un peu d'argent, et qui a détruit Rome, Fréjus ou Paris dans les temps antiques, et qui détruit Detroit aujourd'hui.

Il récupère et vend tout ce qui est négociable. Métaux aujourd'hui, tuiles et bois jadis, les pierres encore bonnes étaient réutilisées, d'autres servaient à faire de la chaux, beaucoup étaient simplement abandonnées en tas, que le gel et les intempéries se chargeaient de faire disparaître. Pour le torchis, courant, c'était encore plus simple. La terre redevenait terre. 

On construisit aussi beaucoup de remparts, gros consommateurs de pierre.
Aujourd'hui, au Mexique, les villages érigent des remparts.

 

400 à 1200 kilos de métaux dans une maison, il y a de quoi tenter, quand celle-ci à une valeur tombée à zéro.

Les 50 % de la population au chômage, récupérent donc et détruisent le bâti, pour se faire quelque argent pour survivre.
Là aussi, la différenciation entre les uns et les autres se fait criante. Celui qui n'a que ses bras ne peut récupérer que quelques kilos, d'autres ont une charrette à bras, elle leur permet de traiter quelques dizaines de kilos, les ploutocrates de la misère ont un camion, qui leur autorise quelques centaines de kilos, voir plusieurs tonnes par jour.

 

Quand Detroit aura adapté son bâti à sa population restante, alors on verra une stabilisation, et une renaissance d'une ville adaptée.

Rome a eu son million d'habitants pendant 400 ans, puis moins de 20 000 pendant 1500, avant de renaître à un statut de métropole.

 

Il n'y a pas de linéarité dans l'histoire humaine. Quand une position économique, politique sociale s'avère intenable, elle est abandonnée.

36 000 des 38 000 communes françaises ont vu ce phénomène s'accomplir entre le XIX° et le XX° siècle.


L'industrie abandonnée finit chez le ferrailleur, les bâtiments aussi.

Pas besoins de barbares démolissant les monuments, comme on le faisait voir dans les livres d'histoire. Le temps et surtout les survivants ont été beaucoup plus efficaces.

 

Des statues géantes en bronze de l'antiquité, dont un certain nombre de peuples étaient friands ont toutes été réutilisées aussi.

Pour ce qui est de Detroit, la ville est judicieusement placée. Elle devrait donc survivre, ou du moins, une entité proche devrait survivre, à quelques kilomètres.
Quand la Nouvelle France pris fin, d'ailleurs, la ville -très informelle-, la plus importante, et qui tenait lieu de foire permanente, était Fort - Michilimackinac, situé autour des détroits entre lacs Huron et Michigan (elle dépassait en importance Montréal et Québec).

Point de jonction, elle permettait une activité économique intense. Detroit (ou une ville jumelle à quelques kilomètres), sans doute, se refera sur l'exploitation de cette situation.

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A
<br /> @Patrick<br /> <br /> Pour ton article, tu aurais pu mettre "max et les ferailleurs", mais j'ai mieux.<br /> <br /> Une video de Russia Today pour convaicre les sceptiques à ton article :<br /> <br /> États-Unis : Détroit, capitale des marchands de ferraille (vidéo)<br /> http://www.fdesouche.com/236495-etats-unis-detroit-capitale-des-marchands-de-ferraille-video<br /> <br /> <br />
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P
<br /> pour illustrer :<br /> <br /> http://www.slate.fr/story/43031/detroit-wifi<br /> <br /> <br />
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T
<br /> sur la récup' , je vous suis tout à fait<br /> il y a des récupérateurs de matériaux anciens , que c'est un vrai bonheur d'aller chinner chez eux<br /> j'ai fait l'acquisition d'un bon métrage de plancher en chêne sur lambourdes , milieu 19ème , provenance est-européenne, non vérolé , bon sec , pas rayé , pour un prix inférieur à celui de la merde<br /> de plancher flottant en pin vendu chez casto ou lapeyre ( de burnes)<br /> faut avoir le bon menuisier pour poser<br /> j'ai<br /> béni soit le déclassement des bleds à prolos<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Peut-on considérer qu'à ce jour certaines villes françaises ou européennes conséquentes entrent dans ce processus ? (je ne parle pas de villages)<br /> Je vis dans une région française, l'Alsace, qui semble encore bien épargnée de ce processus et où les prix immobilier restent toujours élevé<br /> <br /> Quel est le process de ceux qui quittent une ville comme Détroit, où vont ils ? eparpilements des habitants en campagne, rejoignent ils d'autres grandes villes ? Existe t-il des infos sur ce sujet<br /> ?<br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Les habitants noirs retournent souvent dans le sud (la proportion a augmenté pour la première fois depuis 1960), les lignées se regroupent dans les habitations non endettées.<br /> <br /> <br /> <br />