La Grande Correction...
Sur le site Altantico, ils deviennent quasiment Braudeliens et parlent de
"Grande Correction" : "La grande correction : et si 2011 était la fin de la croissance entamée avec la révolution industrielle ?".
En réalité, cette "Grande Correction", n'est pas forcément l'agonie, mais l'apprentissage, comme disait Braudel, d'un plafond qui s'est reconstitué, et comme je le dit plus modestement, de la fin
de certaines anomalies dans les sociétés, comme dans le cas de la fin de l'URSS, ou de l'éclatement de la bulle immobilière US, directement relié à la hausse des frais de transports.
Mais, ces phénomènes de plafonnement, au moins partiels, sont visibles depuis déjà le début du vingtième siécle, à certains niveaux.
On s'inquiétait, au XVIII° siècle, du niveau de la dette anglaise, pensant qu'elle serait insurmontable. Elle ne devient, comme les autres, ingérable qu'en 2008.
Que s'est il passé ? La croissance depuis 1750 est une croissance du réel, assise sur la croissance de l'exploitation géologiquede la planète.
Ce qu'on n'avait pas prévu en 1750, c'est l'avalanche de progrès technique, qui permet de mieux exploiter les mines, d'en tirer bien plus de fer, de charbon, d'argent, d'or, de cuivre, etc...
Ce qui sauve le modèle occidentale, et la Grande Bretagne de 1815, asphyxiée par sa dette de 15 000 millions de £ (eux aussi ont connus les assignats), c'est
l'augmentation phénoménale des quantités d'or et d'argent produites, qui permet dans un premier temps de démonétiser l'argent, ou plutôt de réduire les piéces d'argent à l'état de monnaie
divisionnaire.
On peut parler de la multiplication des quantités d'or disponibles par un facteur 10, et plus encore pour l'argent.
Le premier conflit mondial est au rendez vous de la conjonction de deux faits : la production d'or, encore considérable, n'augmente plus suffisamment pour satisfaire tout le monde, et la Grande Bretagne atteint son pic charbonnier en 1913, le monde atteindra le pic de l'anthracite en 1920.
Le passage à la monnaie fiduciaire, l'échec de l'étalon or, et ses difficultés dans les années 1920 et 1930, sont directement la conséquence de cette baisse de la rapidité de l'augmentation de la masse monétaire d'or.
En 1914, deux pays essentiellement ont accumulés la quasi-totalité des ressources monétaires du monde,
la France et la Grande Bretagne, et ont consentis des prêts monstrueux et souvent peu fondés au reste du monde (c'est le dilemme du riche : prêter à des moins riches, qui finissent par faire
banqueroute). Ils sont suivis, de loin, par le troisième larron allemand.
Logiquement, la guerre est un "reset" des dettes, soient parce que certains pays en ont profité pour dégager un excédent (cas de l'Italie de 1914 à 1915, et de l'Espagne, qui desserrent la contrainte de la dette française, et bien sûr, des USA), soient qu'ils fassent faillite, comme la Russie, l'empire ottoman, ou qu'ils disparaissent purement et simplement, comme l'empire austro-hongrois.
Logiquement aussi, l'abandon de la contrainte monétaire extérieure permet une industrialisation ultra-rapide et sans équivalent dans l'histoire, de l'URSS.
Le même schéma se retrouve avec le choc pétrolier de 1973, où la ressource augmente encore, mais moins rapidement, devient plus chère et plus compliquée à
extraire.
Aujourd'hui, donc, on arrive, dans la première décennie du siècle au pic pétrolier, et sans doute, 5 ans après, au pic méthanier (suivant le pic de l'uranium en 1989), et surtout, au changement
du caractère de l'énergie.
Ces énergies fossiles, sont, en effet, concentrées, extractibles avec une main d'oeuvre très faible, pour le pétrole et le gaz, avec une main d 'oeuvre plus
conséquente pour le charbon, mais néanmoins très minoritaire dans la population.
L'énergie renouvelable, elle, ne relève pas de ce schéma, mais plutôt d'un croquis antérieur.
Si l'on commence seulement à entrevoir leur potentiel très élevé, le problème est plutôt dans leur caractère totalement décentralisé, nécessitant de très lourds travaux d'aménagements, à une population qui a perdu de vue leur caractère impérieux ("Depuis le XXe siècle, la population des pays développés considère le progrès et la croissance du PIB comme acquis." ), susceptibles d'échapper totalement aux lobbys et puissants de tous ordres et en même temps, replaçant la stagnation économique de longue durée, ou du moins, une croissance très très lente, de l'ordre de 0.1 à 0.5 %, de son administration dans la durée, de l'ordre de plusieurs siècles, que la consommation, de moteur, devient ennemi.
Nos descendants noteront la pathologie mentale qui a ravagé une société, pour laquelle, il était nécessaire de payer, toujours plus, des choses qu'elle aurait pu avoir gratuitement, ou a coût très réduit, dans une gigantesque "civilisation du potlatch", ou celui qui brillait était celui qui "a la plus grosse".
Bien entendu aussi, disparu le privilège pour le simple pékin, de devenir le "riche d'un jour" ou d'un mois, que ce soit l'immigré, qui va se montrer et faire l'important dans son village, pour oublier qu'il est miséreux 11 mois par an, le touriste qui sent gonfler son portefeuille et sa queue, en se payant des femmes à 10 euros.
En bref, la civilisation de l'énergie facile a surtout été celle du gaspillage facile et sans regret, sans souvent de sens, mais pour briller, parader, et se
montrer.
Il y a en ce moment une crise emblématique, c'est celle de la crise des tétons, lolos, nibars et autres appellations... " Rencontre entre argent, vanité et technologies".
On ne peut mieux qualifier la situation actuelle. A côté de l'utile et du nécessaire, ce qui fait l'économie, c'est la futilité.