Villes : grossissement et dégrossissement...
Je vois dans la réaction à mes propos sur les villes qu'on a du mal avec un certain concept.
La ville n'est pas née au hasard, elle nait dans les endroits favorables. Le plus souvent à des noeuds de communications favorables.
Elles atteignaient un optimum, Paris, par exemple, de 524 186 habitants en 1788. L'appréciation semble correcte. Londres est plus importante, mais est un plus grand port, qui draine beaucoup plus loin.
Ce qui va faire le succès des villes, et leur permettre de multiplier par 10 sa population, c'est le charbon et le fossile. La construction du chemin de fer entraîne une plus grande aire d'approvisionnement, et une restructuration de l'espace. La vigne, par exemple, décroît partout, sauf aux endroits où elle s'est spécialisée dans la qualité, pour se concentrer dans le midi.
Le même phénomène est visible en Allemagne : l'Alsace annexée, la région la plus méridionale d'Allemagne, devient viticole.
Le meilleur transport restructure l'espace. le rural ne disparaît pas, mais s'adapte à une nouvelle donne.
les villes connaissent une grande croissance. L'approvisionnement n'est plus local en chariot, même s'il existe des ceintures vertes maraîchères.
Mais, ce qui tue les campagnes, c'est surtout la fin de l'industrie décentralisée, profitant des sources d'énergies, locales, renouvelables et tout aussi décentralisées, au profit de centres urbains où apparaissent des usines comme on en a l'image.
Le pétrole, et le reste, c'est à dire gaz, et autre, va donner dans l'après guerre, le coup de booster au phénomène, qui se termine. La population de Paris double encore.
Le tracteur fait passer l'exploitation agricole de moins de 20 hectares à une moyenne de 80, l'appel d'air des créations d'emplois vide aussi les campagnes de sa population jeune, spécialement des femmes.
Mais la crise énergétique qui se profile en 1973 change la donne : les grandes usines dégraissent chaque année un peu plus, et la justification des grandes agglomérations en souffre. Il existe désormais des villes industrielles en crise, et qui perdent leur population.
Là aussi, les vieux restent, les jeunes s'en vont, comme naguère dans les campagnes. Les plus grandes continuent leur croissance.
Quelques sont ces villes qui continuent leur "dynamisme" ? Celle qui abrite un pouvoir politique, manipulateur de symboles, comme Paris, ou des grandes métropoles comme Strasbourg, Lyon, des villes sur des créneaux encore porteur (Toulouse), mais le fait d'être noeud de communication, comme Lille ou Marseille n'assure pas la pérennité. Mais là aussi, on y reste souvent, par habitudes.
Enfin, il y a tous les mouroirs de luxe, comme Nice, la Côte d'azur, où se concentrent de riches personnes âgées.
Mais, en gros, ce n'est plus un élément objectif qui justifie l'existence des grandes villes en croissance, comme l'industrie, à de rares exceptions près, car l'industrie lourde ne se transporte pas aisément, mais la domination économique, la manipulation de symbole, l'habitude.
Or, on s'aperçoit que ces trois éléments souffrent énormément en Grèce, en Espagne et même aux USA, pour renvoyer aux éléments de base de l'existence. Ce phénomène, bien que moins apparent, existe aussi en France.
Ces éléments peuvent aussi se compléter d'un plafonnement des ressources naturelles, qu'on peut voir dans certains endroits : la Californie, hier, c'est à dire, il y a 50 ou 60 ans, à l'immobilier bon marché, et aux terrains tout aussi bon marché, est devenue chère, dans un endroit où la ressource hydrique est tellement tendue qu'on récupère les eaux usées. le constat est le même pour Las Vegas, perdue dans le désert, mais étonnamment, aussi, pour New York.
La concentration humaine y est devenue telle qu'on ne peut même plus arrêter ou entretenir les canalisations d'eaux, parce qu'elles sont à la fois insuffisantes, et à la fois susceptible de casser si on baisse la pression à l'intérieur. Et quand on parle de canalisations, ce sont des canalisations d'une taille supérieure à un métro...
L'optimum avec le pétrole, gaz, fossile, semble atteint en occident, et l'état quasi perpétuel d'embouteillage dans la quasi-totalité des grandes villes du 1/3 monde montre aussi ses limites. Elles ne tiennent que par la frugalité individuelle très éloignée des exigences de vies occidentales, même dans les quartiers pauvres.
La bouteille apparaît, dans nombre d'endroits, pleine. Et l'on peut, très raisonnablement s'attendre à une baisse très prochaine des approvisionnements en énergie de ces grandes agglomérations, mieux, en occident, elles ont déjà commencé en 2007, ailleurs, les ressources fossiles sont souvent dramatiquement insuffisantes à la base et de nombreuses émeutes en sont le signe...
Lieux jadis policés et où se situaient les signes les plus tangibles de pouvoir, les "quartiers abandonnés" et violents, sont le signe politique d'un stress existentiel. Ces villes n'ont même plus d'utilité réelle comme le prouve l'existence de populations nombreuses marginalisées. Là aussi, le signe, c'est à dire le nombre de la population, masque le fait de la décroissance de l'utilité réelle.
Paris est aussi un prototype. Le prototype de la ville qui ne sait pas vivre modestement, parce qu'elle n'est que le reflet de l'économie pétrolière. "Ville lumière", l'appelle t'on ? Pouvait on trouver plus significatif sobriquet et surnom ???
Ailleurs, en Grèce, l'effondrement de la consommation pétrolière est concomitante avec l'effondrement de la population urbaine. Certes, les campagnes ne sont des paradis que si l'on y vit qu'un mois par an. Mais il est certain que l'aptitude à la frugalité énergétique y est beaucoup plus élevé, parce que ce qui consomme beaucoup de ressources, ce sont les structures.
D'ailleurs, une décroissance urbaine ne se fera pas volontairement, mais sous l'effet d'une crise de très forte amplitude.
Pour le moment, nos édiles font semblant de croire à l'avenir. Mais, ne se rendent ils pas compte que leurs "investissements" sont ridicules dans leur finalité, leurs emplois crées, précipitent leur chute, et que finalement, elles peuvent aussi, mourir.
Bien sûr, on peut améliorer l'efficacité, notamment énergétique. Mais cela n'est que mieux reculer pour mieux sauter. Là aussi, elles obéissent aux "cycles de la bureaucratie" où à la fin, tous les efforts ne peuvent, au mieux, que reculer un temps, une échéance inéluctable.