ADAPTATION ? JUSQU'A UN CERTAIN POINT, SEULEMENT...
Ou la semaine de Horzabky...
Je cite :
Au 18e siècle, la population de Paris était d'environ 500 000 habitants. Le chauffage se faisait au bois, qui arrivait flotté sur la Marne. On ne chauffait pas les maisons, il arrivait juste assez de bois pour faire la cuisine (la Marne n’est pas l’Amazone…). NB : il en arrive aussi de la Loire, via le canal d'Orléans, il arrive aussi, aux prix de prouesses incroyables, du charbon stéphanois... D'où l'habitude de s'habiller chaudement même à l'intérieur des maisons : épaisses robes de chambre, bonnets de nuit, lits à baldaquin (qui sont comme une tente à l'intérieur de la chambre), alcôves fermées, chaises à haut dossier pour se protéger des courants d'air, etc.
Les pots de chambre étaient vidés dans les jardins (la merde est un excellent engrais) (NB : Surtout l'urine) voire directement dans les ruisseaux qui coulaient le long des rues, ou directement dans la Seine. Les immondices accumulés au fil des siècles sont devenus des collines, comme celle qui occupe une partie de l’actuel Jardin des Plantes. Ou le cimetière des saints innocents, qui "consommait" les corps, en quelques jours seulement. Et s'était notoirement surélevé.
Maintenant on produit l'électricité en dehors des agglomérations, et on a des camions et des trains pour transporter la nourriture. On n’a plus besoin de jardins potagers pour compléter son alimentation, ni de puits dans le jardin ou de fontaines publiques pour avoir de l’eau, et les déchets sont évacués et traités. Mais il y a des limites au nombre de trains et surtout de camions qu'on peut faire circuler.
La ville la plus peuplée du monde, en 2017, c'est le Grand Tokyo, avec 38 millions d'habitants. La densité de trains, métros, tramways, etc, est très élevée, et bien sûr tous ces transports consomment des quantités faramineuses d'énergie. Je ne compte même pas l'essence pour les camions qui ravitaillent les supermarchés.
À mon humble avis, on n'aura pas de villes de 80 millions d'habitants, parce qu'on n'aura plus assez d'énergie bon marché pour les faire fonctionner. Il ne suffit pas d’avoir de l’énergie, il faut qu’elle soit à un prix abordable pour le citoyen moyen.
L'eau du robinet cesse de couler s'il n'y a plus d'électricité. En Région Parisienne, les usines des eaux ont juste assez de gazole en réserve pour faire fonctionner leurs groupes électrogènes pendant 48 heures. Les pompes des stations services fonctionnent à l'électricité (l'essence est dans des cuves enterrées en sous-sol, pour des raisons évidentes de sécurité).
Sans énergie bon marché, une grande ville n'a ni eau, ni nourriture, ni transports, ni chauffage, ni lumière.
Si en 1700 aucune ville européenne ne dépassait 575 000 habitants, grand maximum, c'était pour des raisons logistiques, à une époque où l'on se déplaçait à cheval et où l'on se chauffait au bois. Et aussi parce que le paysan produisait peu d'excédents : 90% de la population travaillait dans l'agriculture. Rome a connu son apogée au 2e siècle après Jésus-Christ, et comptait alors plus de 500 000 habitants. NB : On parle aussi du million, après la construction du port d'Ostie, qui rend la capitale impériale possible. Concernant les villes de l’époque pré-industrielle qui auraient eu des populations plusieurs fois supérieures, comme Constantinople et Chang’an, j’ai un doute. Même pour Rome, certains historiens ont avancé des chiffres actuellement considérés comme absurdes par les spécialistes.
Il ne faut pas oublier que si nos 3,6% de paysans français aujourd'hui produisent de quoi nourrir confortablement 66 millions d'habitants, et même plus (la France exporte plus de produits agricoles qu'elle n'en importe) alors que les 90% de paysans de l'époque de Louis XIV arrivaient tout juste à nourrir 20 millions d'habitants (famines et disettes étaient fréquentes), c'est grâce au pétrole. Les tracteurs ont remplacé les chevaux, et le gaz naturel entre dans la composition des engrais. NB : l'agriculture est très archaïque, il faut la grande guerre civile du XVI° siècle, pour qu'Olivier de Serres propose une politique de développement (réalisée vers 1820), mais dont les progrès ne sont perceptibles qu'au XVIII° siècle.
Un cheval, ça fait le travail de dix hommes, mais ça mange comme quatre hommes, si on tient compte de la surface de terre qu'il faut pour le nourrir.
NB : raison pour laquelle, la Chine n'emploie que le moteur humain cher à Braudel, et pas du tout l'animal. L'animal en Chine, comme le cheval est uniquement utilisé pour la guerre. Pour le reste, comme dit Lucien Bodard, le moteur de la Chine, c'est le muscle du chinois.
L'adaptation est un mouvement continue. Cette adaptation a lieu depuis 1979, date du pic pétrolier par habitant. Elle se traduit en occident par la montée du chômage, et les délocalisations. Les délocalisations, d'ailleurs, sont une absurdité énergétique : elles impliquent une moins grande efficacité en la matière que les pays occidentaux, et s'expliquent par la lutte des classes, venue d'en haut, plus que par un mouvement économique irrésistible. Les usines qui dégraissent et/ou ferment, auraient très bien pu ré-ouvrir à quelques kilomètres, avec quelques ouvriers seulement.
Cela a introduit un élément de fragilité dans l'économie mondiale, qu'on a pris pour de la solidité. On dépend de quelques usines ici et là, et d'un pétrole pas cher. Orlov dit que le transport commercial s'est adapté, lui aussi : des moteurs ont été enlevés sur les navires, qui vont moins vite. Mais une fois ce "progrès", réalisé, il n'y a plus rien à gratter.
Donc, depuis 1979, on a accompli des "progrès". je me rappelle des conversations de 1982. Les voitures neuves de cette époque ne "consommaient plus rien", selon les dires de leurs propriétaires. Il faut dire que quand on vient des 11-12 L au cent (on n'était pas très regardant, au début des années 1970), à 7-8 litres, ça fait tout drôle, même si les voitures sensées être "économiques", en 1970, ne l'étaient guère. Certaines Renault 4 étaient des gouffres in-réglables. Aujourd'hui, c'est oublié, il ne reste que les dernières et les meilleures... Et on avait pris conscience du problème, en faisant des modèles et des moteurs bien plus économes. Et en évitant, par exemple, de mettre des carburateurs de Fuego ou de R18 sur des R4...
Toute la société a été "downsizinguée". A tous les niveaux : chauffage, transport, etc... Sans changer la donne du problème. Quelque soit le niveau de réduction, il est insuffisant. Et la structure n'a pas changé : tout vient de loin. De trop loin.
Et tôt ou tard, le downsizing, devient effondrement. La géologie ne ment pas. Tôt ou tard, la ressource devient inexploitable, ne laissant que des boumvilles.
Pendant que certains vantent la facilité de trouver un emploi aux USA (ce qui est peut être vrai à NY), on voit qu'ailleurs, ce sont des villes faillies. Ou des villes jamais habitées.
D'ailleurs, j'ai lu un article. Pour la première fois, on parle d'une possibilité qu'une projection démographique soit fausse, en raison d'un accident. Ou d'un crétinisme prégnant.
Pendant ce temps,on nous renseigne sur le transport maritime. Un naufrage tous les trois jours, et des mises à la casse toujours colossales, pendant que les prix du fret ne se redressent toujours pas. Dans les mauvaises passes, le BDI (Baltic dry index, ou indice du fret de la mer du nord), est à 600, dans les bonnes, à 1 200, mais dans les deux cas, il ne paie même pas le carburant, à comparer aux 14 000 où il était en 2007.
Downsizing aussi dans le transport maritime. On fusionne. Pour faire sans cesse des économies d'échelles. Ou arriver à la situation de monopole. Si, bien entendu, l'économie mondiale n'a pas collapsé avant. Un cas de figure que le marquis de Belgueule à l'Elysée n'a pas du tout pris en compte, lui qui veut nous faire avaler sa mondialisation à la con.
Bref, imaginez une ville de "seulement" 38 millions d'habitants où tout s'arrête. Combien de temps cela va t'il prendre pour tourner, à l'émeute, aux meurtres, aux épidémies, et à une réduction ultra rapide de la population, et quand les populations vont essayer de s'extraire, à des "marches de la mort" ?
Aux projectionnistes, il ne manque qu'une chose, le bon sens, et le sens du possible.