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LA PETITE VILLE ET LA SURVIE A L'EFFONDREMENT

27 Juin 2021 , Rédigé par Patrick REYMOND Publié dans #Chronique de l'effondrement

Un article, encore, du lecteur masqué :

Dans son article “The Answer is the Coming Small-Town Revival” du 30 avril 2021 , James Howard Kunstler présente la petite ville comme étant l'endroit où l'on pourra survivre après l'effondrement. Le texte se conclut par : “And after a while, you’ll have a fully functioning town again, built on social and economic roles that give people a reason to think that life is worth living. Wait for it. “

C'est un article assez court, et assez simpliste. On peut le contester sur la plupart des points, j'essaierai quant à moi d'aborder une autre perspective.

C'est d'abord l'intention qu'il faudrait critiquer ici, et pour cela je voudrais utiliser une citation de Sir Tony Hoare, un pionnier de l'informatique : “premature optimization is the root of all evil.”

Il ne s'agit pas ici de “mettre la charrue avant les boeufs” mais bien plus d'imaginer, trop tôt, ce que sera la situation finale. Or le point central de l'effondrement c'est qu'il est pour l'essentiel inconnu. On ne connaît ni quand, ni où, ni quoi, et cela peut varier du tout au tout.

L'article est criticable de bien des manières, ce qui ne veut pas dire qu'il n'ait aucun mérite ou qu'il se trompe sur tout. Pour voir ce qu'il faut en garder, explorons donc la petite ville. Ayant moi-même déménagé il y a plus de quinze ans dans une petite ville  (10.000 habitants environ), avec déjà l'effondrement comme éventualité ultime, je vais apporter ma modeste perspective sur le sujet.

Partie 1 : la petite ville est une représentation mentale

Tout d'abord, comme nous ne vivons pas tous la même vie, il n'y a sans doute pas de solution de survie universelle. Ceux qui écrivent des articles sur l'effondrement sont généralement des personnes issues de l'ancienne classe moyenne, d'une intelligence relativement peu commune, vraisemblablement âgés de plus de trente-cinq ans.

James Howard Kunstler en a 72, j'en ai XX, et toi lecteur tu as certainement assez d'années sur ton dos pour avoir connu une époque où les petites villes étaient encore des endroits économiquement et socialement sains. Certains ont encore pu connaître, par la famille ou les voisins, de véritables agriculteurs.

Il est facile de s'imaginer que le monde post-effondrement sera un retour à ce monde, qui n'existe pourtant plus depuis les années 80 avec la disparition des générations pré-Trente Glorieuses. Car ce sont bien la mobylette et la voiture qui ont altéré ce monde, et James Howard Kunstler ne manque pas de le décrire.

Ce qui veut bien dire que la petite ville est non seulement quelque chose de dynamique mais qu'elle vit au même rythme que le reste de la planète. Mais elle le vit à une autre échelle, ce que montraient déjà de nombreux films des années 70 (citons pêle-mêle : “Le corps de mon ennemi” (1976), “Adieu Poulet” (1975) ou “Coup de tête” (1979) ).

Partie 2 : la petite ville en tant que microcosme pouvant être appréhendé

Dans “Un jour sans fin” (1993), le protagoniste vit assez longtemps dans la petite ville pour connaître la plupart de ses habitants et leur histoire.

C'est là le grand avantage, et pour ainsi dire le seul, de la petite ville par rapport aux métropoles où sont contraints de travailler la plupart des intellectuels : on se fait assez vite une bonne idée de l'endroit. Avec le temps, on devient soi-même une partie de la ville et de son fonctionnement. On a un nom, des amitiés, des inimités, une réputation.

Et cela même auprès de ceux que l'on connaît pas, ce qui est la principale différence avec les grandes villes.

L'information locale est plus aisée à obtenir, on a aussi une bonne expérience des lieux. Au fil des années, on visite de plus en plus d'endroits et de monde. On salue le conducteur du bus qui nous croise dans la rue car on l'a rencontré à un anniversaire ou un enterrement, on connaît la vue depuis tel balcon, on a vu les fondements de tel nouvel immeuble.

Cela crée un environnement mieux connu, mieux maîtrisé, et même les inévitables changements ont lieu à une vitesse moins dramatique. Dans un perspective post-effondrement, on peut s'imaginer que cela facilite l'insertion dans l'économie informelle, les échanges de services et de faveurs.

Mais il faut bien admettre que nous n'en avons pas la moindre idée.

Partie 3 : l'effondrement reste une inconnue

James Howard Kunstler a ses convictions sur la nature de l'effondrement, et c'est là-dessus qu'il établit ses critères. Nous dressons tous ne serait-ce que des lignes très sommaires sur la nature de l'effondrement, à partir du moment où nous le savons inévitable, car c'est dans notre nature. Nous nous faisons un film sur tout ce qui est susceptible de nous arriver.

La petite ville est certes plus proche de la campagne, parfois un tracteur chargé de balles de paille traverse la ville, mais l'agriculteur lui-même achète sa nourriture au supermarché. L'ensemble du système économique est dépendant des ressources fossiles, de l'organisation générale de l'économie, des conceptions implantées dans les esprits. C'est le même monde.

Il y a bien des gugusses qui cultivent un potager plus ou moins à l'ancienne, mais c'est plutôt une variation sur le thème des tomates-cerises sur le balcon. On ne les voit pas manger leurs propres patates onze mois sur douze, sans même parler des protéines animales.

Or l'effondrement peut être absolument extrême (interruption simultanée de tous les échanges de marchandises, d'énergie et de communications) ou bien n'être qu'un rationnement sévère comme lors d'une guerre mondiale. Dans le dernier cas, le prix de l'immobilier de la petite ville permettent un accès plus facile à un jardin que l'on pourra transformer en potager, si tant est que l'on s'y soit pris à temps.

Dans le premier cas, les questions de pouvoir sont les seules qui important, et c'est là où l'intellectuel exogène n'est pas bien parti.

Partie 4 : vous n'aurez jamais voix au chapitre

D'un point de vue anthropologique et politique, la petite ville est un environnement beaucoup plus lisible que la grande ville. La carte du pouvoir y est mesurée à la distance plus ou moins grande qui nous sépare des familles dominantes.

Des études approfondies ont été menées sur ces questions. Pour rester simple, disons que la plupart des personnes-clés dans le fonctionnement de la ville font partie de réseaux familiaux étendus, que l'on ne peut comprendre, voire même connaître, que si l'on est intégré dans ce que j'appelle “l'économie du sang” : on est né dans la ville, des membres de notre famille y sont liés, ou l'on a épousé dans le réseau familial. Ceci est également vrai pour les habitants issus de l'immigration, qui se créent aux aussi leurs structures claniques.

C'est là la véritable économie informelle, dirigée depuis des familles dominantes, et qui s'exerce essentiellement de manière invisible. Telle ou telle administration peut retarder votre demande, créer des vices de procédure inextricables, ou au contraire rendre les choses simples et même plus que légales.

Les procédés utilisés peuvent être de nature mafieuse, et les exécutants de ne même pas s'en rendre compte. Des diffamations flagrantes peuvent être imputées par des personnes parfaitement loyales et lucides par ailleurs mais qui n'ont pas d'autres choix que de suivre l'impulsion donnée par le centre.

Cette domination s'exerce aussi par le contrôle du terrain, la propriété foncière (les familles dominantes sont aussi celles qui maîtrisent l'économie) et même les trafics. Elles sont dominantes, justement, parce qu'elles les maitrisent. Notaires notoirement corrompus, agences immobilières complices font partie d'un pouvoir économique et politique bien réel.

En cas de difficultés économiques prolongées ou d'effondrement, l'intello un peu survivaliste venu de la grande ville n'y a aucune place dans l'économie ni aucune autonomie politique (que l'on pouvait jadis appeler “liberté”). Alors vous pouvez vous acheter l'arme qui vous chante, elle ne changera rien au problème, et c'est bien là la limite du survivalisme en dehors des questions de survie immédiate.

Partie 5 : La petite ville n'est pas immunisée contre les maux modernes.

Ce n'est pas par hasard que les gens talentueux quittent les petites villes, on ne le dira jamais assez.

Les intellectuels étant moins nombreux que selon la proportion naturelle, la petite ville se trouve être un haut lieu de l'anti-intellectualisme officiel de notre civilisation.

J'ai pu voir des personnes de type HPI sombrer dans la dépression façe à la jalousie brutale, de brillants élèves qui avaient le malheur d'être masculins et blancs se faire torpiller l'accession à des études sélectives à cause de notes discriminatoires et des remarques assassines provenant de professeures SJW, des remises en cause de la “narrative “officielle être dénoncées publiquement comme “terroristes”.

Quand au paysage spirituel, à quelque exceptions près, c'est comme partout ailleurs le pharisianisme décomplexé de la Fin des Temps.

Emmanuel Todd a publié juste avant la catastrophe du confinement-Covid son étude “Les Luttes de classes en France au XXIe siècle” ( https://www.seuil.com/ouvrage/les-luttes-de-classes-en-france-au-xxie-siecle-emmanuel-todd/9782021426823 ), il y parle d'une convergence éducative de toutes les classes sociales. On se doute qu'elle ne converge pas vers le haut, et tous ceux qui s'intéressent à ces questions de nos jours le savent.

Dans sa présentation du livre, Todd parle des “dominés qui se croient dominants”. Or, dans une petite ville le haut du pavé du “tertiaire supérieur” est tenu par les familles dominantes, même si elles se contentent d'ânonner du contenu préparé par d'autres ailleurs. Il faudrait parler de l'influence écrasante des Rotary Club et autres franc-maçonneries sur les “élites” des petites villes, chose que je n'ai pas pu ni voulu étudier plus avant.

Conclusion : La petite ville n'est pas la planète “Terminus” d'Isaac Asimov

James Howard Kunstler semble penser que la petite ville est le lieu de la renaissance de la civilisation, son erreur est la même que celle d'Isaac Asimov lorsque ce dernier commence en 1942 la rédaction de “Fondation”.

Dans ce roman, alors que la capitale de l'empire galactique amorce sa décadence, des psycho-historiens anticipent cette évolution et s'exilent sur la planète Terminus, loin de tout, pour y refonder une nouvelle civilisation.

La petite ville ne fonctionne pas ainsi. Là où je vis, hauts responsables et ingénieurs vivent à une heure de la grande ville, dans de beaux quartiers pavillonnaires, mais leurs enfants sont le plus souvent scolarisés avec ceux des familles dominantes, qui ne sont simplement pas à la hauteur, et leurs épouses fréquentent les parents de ces mêmes familles.

Au fil des années le nombre des divorces dans ce milieu a explosé, or quand on appartient à un clan on ne divorce pas (ou bien rarement). De manière similaire, les phobies scolaires, tentatives de suicide et anorexies ne touchent pas les familles dominantes de la ville.

Le lieu de la renaissance intellectuelle est toujours un ville au centre des échanges, où se brassent les intellects grâce à l'ouverture d'esprit et l'excellence La petite ville n'est pas ce genre de lieu.

Si, mais on appelle ça le bistrot. On peut reprendre comme modèle d'effondrement, celui de l'empire russe en 1916-1917, où les dominants, simplement, abandonnent le terrain, laissant les "comités" ou soviets, occuper le terrain, et ces soviets bien embarrassés que leur ennemi ait tout bonnement, déserté.

Si un glissement progressif verrait les élites ou supposées telles, se maintenir, cas splendide des régionales, un effondrement brutal renverse aussi la donne. Le pouvoir local peut être confisqué par un seigneur de la guerre local. Si les anciennes élites sont prudentes, elles intègrent aux moments stratégiques du sang neuf, ne se rappelant plus que sur celui-ci, il y a peu, ils pissaient dessus.

Effectivement, les anciennes compétences peuvent se maintenir, le problème c'est que les élites actuelles sans leur biotope n'ont guère de compétences, sinon pour accaparer les places. Des places qui deviendront vite inutiles.

Dans le film idiocratie, le président US est celui qui n'hésite pas à sortir l'automatique.

le reclassement qui va avoir lieu est tellement important, les populations tellement déphasées par rapport à la réalité, qu'il risque effectivement, d'y avoir une casse économico-politique importante.

Des notabilités peuvent se trouver aussi en porte à faux. Les pharmaciens. Les notaires, gavés pendant des décennies par les ventes immobilières peuvent rejoindre le rang de petits notables chargés des successions.

Quand aux brassages d'idées dans les grandes villes, ce n'est pas le cas. Actuellement, c'est plutôt le formatage et le conformisme (vite réduit aux 3 premières lettres) qui y règnent. Sinon, ils n'auraient pas voté écologistes, pour les pots de fleurs les transports en commun et les pistes à vélo, le problème de la grande ville étant la surdensité.

Dans le village, pour que l'entité se maintienne, il faut que chacun y ait sa place, reconnue, si modeste soit elle.

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M
C'est pourquoi j'ai choisi un hameau de 12 maisons dont4 sont encore habitées. <br /> La famille dominante à possiblement 10 personnes, tous âges, sexes, combattivité confondus. 3/5 sont prédominantes.<br /> Ce sont des montagnards , tout est dit.<br /> La vie n' y sera pas un long fleuve tranquille apres effondrement , des coriaces,,prevoir , tout, même le pire.<br /> Pas le choix.<br /> M.S.BLUEBERRY.
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