COURRIER DE LECTEUR
Point de vue d'Alexandre
« La dépopulation que certains voient comme but de cette classe, n'arrangerait rien. D'abord parce
qu'elle ferait perdre la masse critique pour l'existence de bien des activités économiques, et donc,
entrainerait une forte réduction de production, allant bien au delà de la réduction de population, voire,
entrainerait un effondrement complet à la Ugo Bardi, et sa falaise de Sénèque, faisant passer Adolf et
Joseph pour des garnements juste un peu bruyant... »
Ma position sur le sujet est qu'un scénario de type « Falaise de Sénèque » est en fait inévitable. Tout
d'abord, les courbes de Meadows comme aussi la modélisation sur laquelle se base le concept de « Falaise
Sénèque » sont des indications de quantités ou de taux, comme la quantité de personnes vivantes ou la
quantité de services par personne.
Ces courbes ne parlent pas de processus qui sont susceptibles d'amener ces changements, car la
population peut diminuer de bien des façons. Ce sont des modélisations qui reposent sur l'évidence
logique, à savoir que si l'on ne peut plus nourrir huit milliards d'humains alors forcément la population va
diminuer, en adéquation avec l'offre/la production, jusqu'à ce que l'on atteigne à nouveau une production
stable de nourriture et d'énergie (car il ne s'agit pas seulement de faire pousser des pommes de terre, il
faut encore pouvoir les cuire).
Les modélisations de Dennis Meadows de 1970 ont été validées depuis : le modèle est fiable. Mais
Dennis Meadows lui-même a déclaré dans les années 2000 que ses modélisations ne sont valables que
jusqu'à la phase plateau, c'est-à-dire avant que la population ne se mette à baisser.
C'est là où intervient la « Falaise de Sénèque », c'est-à-dire non pas une diminution graduelle de la
population comme dans les projections de Meadows, mais une chute brutale.
Si je peux me permettre d'interpréter la position de Patrick Reymond, il estime que la classe dirigeante
/les pouvoirs publics (pour moi c'est la même chose) n'ont aucun intérêt à vouloir mettre en œuvre une
diminution brutale de type « Falaise de Sénèque ».
Mon propos ici, en résumé, est qu'il leur est préférable de provoquer un phénomène de ce type plutôt que
de le subir.
En effet, une réduction directe de population (donc tuer des gens, à la différence des méthodes indirectes
qui les empêcheraient de se reproduire) qui serait graduelle nécessiterait forcément un processus de tri.
Politiquement, il faudrait faire accepter les critères en question, puis concrètement il faudrait mettre en
place l'exécution de cette politique. Dans mon article « Exploration de la guerre post-fossile », publié dans
notre ouvrage commun « Grand Reset et grand effondrement » (6,33 € chez Amazon), j'ai détaillé sur la
base de précédents historiques certains aspects pratiques de ce genre de procédés.
Il n'est pas exclu que dans certains Etats avec une culture plus ou moins totalitaire, comme la Chine par
exemple, il puisse exister des conditions propices à ce genre de procédés. On peut même penser qu'en
Europe et en Amérique du Nord on essaie, en catastrophe, de mettre en place un cadre totalitaire pour là
aussi contrôler la réduction de la population, le fameux « Great Reset ».
Et c'est là que je rejoins Patrick Reymond lorsqu'il conclut le même article : « En réalité, la dislocation
économique en cours est trop violente pour être contrôlée. Le rêve de contrôle par la technologie est
simplement impossible. Elle ne ferait que recréer des sociétés parallèles qui réapparaissent
systématiquement. »
Cela est tout à fait cohérent avec la crise énergétique que l'on peut constater, dans laquelle on ferme en
particulier des installations produisant des engrais azotés. Par ailleurs, la qualité de la main-d'oeuvre est
trop mauvaise aujourd'hui, en particulier chez les spécialistes, pour permettre de telles acrobaties comme
celle de mettre en place une économie de guerre.
Sur ce sujet précis, je recommande la lecture de ces deux livres, rédigés dans l'immédiat après-guerre :
BRITISH WAR ECONOMY (W. K. Hancock, 1949)
http://www.ibiblio.org/hyperwar/UN/UK/UK-Civil-WarEcon/index.html
BRITISH WAR PRODUCTION (M. M. Postan, 1952)
http://www.ibiblio.org/hyperwar/UN/UK/UK-Civil-WarProduction/index.html
En réalité nous sommes à bout (explosion des cas de burnout, démotivation de la jeunesse) et au bout des
conditions de fonctionnement du système économique (monnaie sans valeur, valorisations boursières
fantasques, écoles qui produisent des illétrés, pénuries plus ou moins provoquées mais réelles et qui se
répandent & métastasent dans toute la chaîne de production de valeur).
Nous sommes à la veille, peut-être même littéralement, de phénomènes de nature exponentielle.
Imaginons par exemple, une pénurie de papier toilette dans une ville donnée. Les gens la constatent et
vont essayer de s'approvisionner en catastrophe ailleurs, déclenchant un mouvement qui double à chaque
itération (la personne paniquée en contacte deux qui à leur tour paniquent et contactent chacune deux
autres personnes) et qui se cimente (la personne en fin de chaîne qui reçoit seize fois le même message de
seize personnes différentes), installant donc la panique durablement.
Si vous avez une heure, regardez cet épisode de l'excellent série « BBC Connections », qui montre
comment le réseau électrique du Nord-Est des Etats-Unis s'est effondré en 1965, précisément par un
phénomène de nature exponentielle. L'épisode est tout aussi éclairant sur ce qui se passe dans les
premières phases d'un effondrement.
James Burke Connections, Ep. 1 "The Trigger Effect"
https://www.youtube.com/watch?v=XetplHcM7aQ
On dit alors que le phénomène fait « boule de neige ». Mais compte-tenu de la taille absolument
gigantesque de nos populations, et du niveau encore plus gigantesque de ce qu'elles consomment, il
faudrait parler d'avalanche. On rejoint alors la brutalité des « Falaises de Sénèque ».
Dans les endroits où se produisent les avalanches, elles sont provoquées , par exemple au moyen de coups
de canon. Ceci a l'avantage de décider du moment où se produira ce qui est de toutes façons inévitable, et
de protéger ainsi des ressources précieuses et bien sûr les gens.
Il n'est pas interdit de penser que les pouvoirs dits publics / les élites n'aient pas provoqué toute cette crise
afin justement de déclencher cette « Avalanche de Sénèque », c'est-à-dire une chute catastrophique et
exponentielle de la population, selon leurs conditions et leurs préparatifs.
Le débranchement des centrales nucléaires et la mise en sécurité des sites Seveso seraient des signes
annonciateurs de tels scénarios, puisque dans un effondrement vraiment anarchique ce seraient des
bombes à retardement de nature à stériliser des régions entières, alors que dans une « Avalanche de
Sénèque » provoquée, l'essentiel serait sauvegardé.
Selon cette formule, Patrick Reymond et moi-même aurions raison, chacun à sa manière : la réduction de
population serait catastrophique, mais les éléments critiques nécessaires au fonctionnement d'économies technologiques seraient tout de même préservées.
Note patrickienne : c'est ici que nous divergeons. Garder le contrôle dans ces conditions là, c'est simplement impossible. Et il n'y a pas de solution de rechange, comme en 1944 par le gaullisme ou par le PCF. La seule chose "acceptable", serait de liquider la partie inutile de la population, les inactifs retraités de plus de 60 ans. Une épidémie est une solution idéale. Un régime qui s'effondre, c'est parce que plus personne n'y croit. Pour cela, ils n'ont pas de remède. C'est une question de croyance qui s'effondre. Toutes les mesures de contrôle à distance elles aussi, dépendent de l'électricité.
J'ai rererelu les 10 tomes d'Henri Amouroux sur les français sous l'occupation. La réaction des populations (visibles avec le covid et les masques fait maison), m'a frappé dans certains passages. A Lyon, ville très bourgeoise, très "ouinneuse", avec sa bourgeoisie bien propre sur elle, a vu passer ses jardins "ouvriers", en une année de 900 à 20 000 (sans doute beaucoup plus la deuxième année). Les famines sont très aisément éludables par des réactions de ce type. Bien sûr des morts sont inévitables, mais des bénéfices aussi. Toujours sous l'occupation, le sevrage anti-alcoolique brutal et la mise sous régime de Vichy -régime à l'eau-, soit 2 litres de vin par mois pour les travailleurs de force et la fin du privilège des bouilleurs de crus, a tellement fait chuter la mortalité des poivrots, que la surmortalité de la guerre est à peine perceptible... C'est dire... Il faut préciser que la consommation moyenne des français en 1939 atteignait 25 litres d'alcool pur par an, en comptant dedans, les enfants, les femmes, tout le monde... En litres de pinard, cela atteignait 6 litres par homme et par jour... Bien entendu, une consommation qui n'avait rien d'excessif à l'époque. Pour l'excessif, c'était plus près de 12...
Visiblement, vu l'état d'obésité ou de surpoids d'une partie tellement grande de la population, que des restrictions leur serait plutôt bénéfique... De même, la consommation de drogue dépend d'une grande vitalité des transports. De même, l'absence d'efforts physiques est au point de vue santé, ravageur.
Un lecteur a dit que les étudiants avaient faim. C'est vrai. Vrai aussi que beaucoup d'études sont totalement inutiles.