LE DERNIER ARTICLE DE GAIL TVERBERG
Il pose le problème de manière brutal. Mais juste.
L'extraction mondiale de pétrole brut a atteint un niveau record de 84,6 millions de barils par jour fin 2018, et la production n'a pas pu retrouver ce niveau depuis lors.
En effet, il plafonne désormais à 81-82 millions de barils. Petite baisse me direz vous, mais la population augmente, certes moins vite, mais augmente encore et surtout la population consommatrice de pétrole, la classe riche + la fameuse classe moyenne.
La première conséquence, c'est la baisse de production de soufre, extrait dans les raffineries à 80 %. Les petites escroqueries comptables, comme le décompte du GPL et des "autres liquides", masquent le déclin. Ils ne sont utiles que dans une certaine mesure, ce qui est le plus utile, ce sont les pétroles lourds, le gazole, le kérosène et le fioul, qui permettent l'efficacité du transport longue distance et international.
Plus intéressant encore, la production de GPL est massive aux USA, qui représente plus de la moitié de la production. Et une bonne partie aussi des autres liquides.
Novembre 2018 a été le mois où la production a été la plus importante 84.6 millions de barils jours.
Les grandes compagnies qui nous gouvernent, voyant à 3 mois au plus à 6, ont été incapable d'anticiper cette chute, pourtant si prévisible et si souvent annoncée.
La production mondiale de pétrole brut n’a pas retrouvé son niveau d’avant les restrictions liées au Covid.
Un esprit chagrin parlerait du covid comme "pandémie pétrochimique".
Si l’on en croit les économistes, les prix du pétrole devraient grimper en flèche en réponse à la hausse de la demande. Pourtant, les prix du pétrole n’ont pas augmenté de manière générale.
De fait, l'élasticité de la demande aux prix fait que sitôt que ceux-ci déraillent, la demande baisse. Conséquence du néo-libéralisme et de la précarité généralisée.
Les états de l'OPEP manipulent aussi les prix et les stockages, pour gagner suffisamment d'argent pour leurs besoins, désormais importants, et pour décourager la production US largement non bénéficiaire. Mais cela les USA s'en foutent, les alliés larbins, sont priés de cracher au bassinet pour le financer.
Chose importante aussi :
Quelqu’un qui a travaillé pour Saudi Aramco (en Arabie saoudite) m’a dit que la compagnie avait (ou avait eu à un moment donné) beaucoup d’espace supplémentaire pour le stockage du pétrole, ce qui lui a permis d’augmenter temporairement ses livraisons, comme si elle avait une capacité de production supplémentaire facilement disponible, mais que la compagnie n’avait pas vraiment la capacité excédentaire importante qu’elle prétendait.
De fait, pour manipuler les cours, il faut disposer de stockage, il est ruineux de ne pas avoir des capacités suffisantes, et la théorie du "zéro stock et juste à temps", est une maladie mentale.
Donc, tous naviguent dans un effet prix, et les possibilités d'investissements, s'il y en avaient, posent problèmes avec cette non rentabilité, doublée d'un appétit des compagnies pour les plantureuses distributions de dividendes. Et des prélèvements des gouvernements sur les compagnies étatiques.
Les prix du pétrole sont dans une large mesure déterminés par les niveaux d’endettement et les taux d’intérêt , plutôt que par ce que nous considérons comme une simple « offre et demande ».
Effectivement, l'endettement, et les taux créent à la fois une demande supplémentaire, une offre supplémentaire ou une demande affaiblie et une offre affaiblie.
La production alimentaire est une grande consommatrice de pétrole brut. De fait si on est passé de 85 % de la population agricole à 2, la somme de travail a explosé. 1 baril de pétrole c'est la force de 12 hommes pour une année. On voit qu'en réalité, le travail agricole est beaucoup plus intense désormais.
La bulle de la dette actuelle est en train de devenir excessive.
En fait, la puissance dominante a une certaine tendance à profiter de son avantage monétaire et à en émettre jusqu'à plus soif. L'agonie de la livre sterling a duré longtemps, mais elle a disparu désormais comme monnaie de réserve mais garde, du fait de la place monétaire de Londres, une hypertrophie meurtrière pour le royaume uni. Pendant la seconde guerre mondiale, l'Inde si pauvre avait accumulé une quantité phénoménale de livres sterling, et ces quantités dans le monde ont pesé lourd sur la reprise économique d'après guerre.
Les autres puissances, elles, ont suivi le délire de financiarisation. Il n'y a pas qu'en Chine que l'immobilier s'effondre lamentablement.
Nous ne pensons pas souvent au fait que les prix du pétrole doivent être à la fois suffisamment élevés pour les producteurs et suffisamment bas pour les consommateurs.
C'est d'un réglage fin dont il s'agit.
Ce n’est pas parce que le pétrole brut existe dans le sol et que la technologie semble disponible pour l’extraire que nous pouvons nécessairement augmenter la production de pétrole brut.
De fait, si, les gisements qu'on met en exploitation actuellement sont plus petits et plus compliqués à gérer que les gisements géants qui existaient auparavant.
La situation du pétrole brut est bien plus complexe que ne le laissent penser les modèles des économistes. L’offre mondiale de pétrole brut semble avoir dépassé son pic ; elle pourrait diminuer considérablement dans les prochaines années. Les banques centrales travaillent dur pour maintenir les prix du pétrole dans une fourchette acceptable pour les producteurs et les consommateurs, mais cela devient de plus en plus impossible.
De plus il existe un décalé flagrant entre les politiques monétaires et la production réelle, et cela ne concerne pas que le pétrole. Ce différentiel mal analysé fait beaucoup de fuites dans le système financier et donne beaucoup d'effets indésirables. Le premier étant une trop grande disponibilité de monnaie pour un nombre trop restreint de produits, le second étant un endettement qui absorbe et boit les capitaux.
La relance monétaire ne peut fonctionner que si l'offre énergétique augmente. Vous pouvez baisser les taux d'intérêt autant que vous le souhaitez. L'énergie doit être là pour que les prêts puissent être accordés à l'économie réelle.
Le marché n'est en rien responsable des taux. Ce sont les décisions des banques centrales qui font la pluie et le beau temps.
A l'image de l'armée américaine, tuée par des budgets toujours plus gigantesques, la création de monnaie n'est pas forcément une bonne chose. Nous l'apprenons aujourd'hui. Et rappelons la règle biblique, la fin des dettes toutes les 7 fois 7 ans.