En réponse à Dimitri Orlov.

Dans cet optique, j'ai quelques objections à faire.
Sans doute son point de vue est "trop russe" et marqué par ses origines.
- Réduire le PIB de 90 %.
Comme la plupart du PIB est fictif, on n'aura pas trop de peine. Une partie aussi est tout bonnement inutile. On ne voyagera plus en avion ? Quelle différence ? En 1800, on ne voyageait pas en avion, ce qui n'impliquait pas qu'on ne puisse pas être heureux ou malheureux.
Le pib est une convention de plus en plus éloignée de la vie des gens et sans signification. Que le prix des loyers et de l'immobilier disparaissent ne fera pas forcément que des malheureux.
- Réduction de la population.
On parle ici d'une réduction US de 300 à 30 millions. La possibilité de charge démographique est bien plus élevée. Pour les USA, même en revenant au "seuil de densité" 40 (habitants au km2) qui fut la norme pendant plusieurs siècles en France, on arrive à 240 millions (6 millions de Km2 X 40), d'autant qu'il y eut les progrès de l'agriculture du XVIII et début XIX° siècle, qui peuvent l'amener plus haut.
On arrive là, à la vraie mondialisation, celle décrite par Fernand Braudel. Les techniques, les produits se diffusent dans le monde, permettant l'augmentation de densité humaine.
Le dynamisme économique dont se vanter les US américains, n'était que le peuplement d'un territoire largement vide de population. Une fois ce peuplement accompli, ils rentrent dans le rang. Le gaspillage accéléré des ressources est une image de leur mentalité.
Un pays neuf imagine toujours que le futur sera comme le passé. Ils vont souffrir, davantage, pour des raisons de mentalité, que pour des raisons objectives.
- Fin de l'ère industrielle.
Je suis en désaccord totale sur ce point, pour une raison : pour la majorité de la population l'agriculture n'a jamais été une activité dominante. En 1697, sur la généralité d'Orléans (et encore, après famine), les chefs de famille agriculteurs étaient 65 000 sur 120 000 (Braudel). Pour la plupart, ils n'avaient que des jardins, et les agriculteurs exclusifs étaient rares, de 10 à 20 % du total, suivant les régions.
En 1348, lors de la grande peste noire, on s'aperçoit du poids de l'industrie.
La France compte des centaines de milliers de moulins, dont quelques uns, ceux qu'on imagine classiquement pour moudre le grain.
Tous les endroits où il est possible d'en bâtir, en porte un.
Bien sûr, c'est l'image classique qui souffre : la grande concentration de la zone industrielle.
On travaille quand on peut. (Comme au sortir de la II° guerre mondiale, d'ailleurs).
La région stéphanoise dépend, même au XVIII° siècle, davantage de son cours d'eau (le Furan), capricieux, irrégulier, qui multiplie les crues, que de son charbon.
- la crise connaît un nouvel accélérateur à chaque augmentation du prix de l'énergie.
Notre civilisation ne peut survivre avec un prix supérieur à une limite du PIB. C'est vrai, mais il y a des marges de manoeuvres importantes : la réduction.
Rien, à part la grosse tête n'oblige à avoir des automobiles consommant 9.5 litres au cent, comme aux USA. Là, c'est un problème impérial.
Je suis d'accord sur l'autre volet ; l'énergie ne sera pas forcément plus chère : passé un certain prix, elle n'est plus utilisée. Le producteur est pris en tenaille entre ses coûts d'exploitation, qui augmente, et les possibilités financières de ses clients.
Entre autre, ce sont des modes de vie qui vont disparaître : le maniaque de la douche quotidienne est par exemple, le pire. Il n'y a rien de plus prédateur au niveau écologique et énergétique.
- La fin de l'argent.
Là, je m'inscris en faux. La monnaie a survécu à tout, même à son absence.
Les minutes de notaires, les inventaires de successions montrent que des monnaies fictives ont été utilisées pendant très longtemps : des siècles.
C'est d'ailleurs, ce qui a permis aux notaires de prospérer à une époque où les transactions immobilières étaient rares.
Dans le même ordre d'idée, un atelier de frappe monétaire impérial s'est maintenu en haute Loire, à Monedeyres (jusqu'en 1500), soit 1000 ans, et encore, le roi dut il le racheter...
Sans doute, le cas n'est pas isolé.
On a besoin de monnaie, au moins pour solder par clearing, les échanges. Mais pas forcément beaucoup.
- Investir prudemment.
Dans le durable (foncier), autosuffisance, objets à forte valeur d'usage, en se déconnectant de l'économie mondiale. Il faut dédaigner, placements financiers, biens sans valeur d'usage, produits écologiques, et provisions. (Pour ce qui est des placements financiers, le problème est déjà réglé).
On peut ne pas être d'accord avec l'investissement en foncier. D'abord, il est déjà possédé au moins en France, et ensuite, cela stérilise beaucoup de capitaux, qui peuvent être utilisé dans des objets à longue durée de vie, comme alambics, outillages et outils.
L'économie paysanne consistait aussi à produire beaucoup de produits en petites quantités, localement. Le paysan seul, je l'ai déjà dit, était une exception.
En outre, pour un russe, il devrait savoir que beaucoup ont survécu à cause d'un travers russe ; ils avaient beaucoup stocké. Pour passer une période de transition, pouvoir troquer, il faut avoir de quoi échanger.
En outre, un appartement en ville a pour le moment, une forte "valeur d'usage", mais à terme ?
- Impossibilité de développer une branche industrielle pendant une crise.
C'est faux. Mais il faut avoir les nerfs pour le faire. Toutes les périodes de crise sont aussi celles de développement de certains secteurs. Sinon les efforts de guerre n'existeraient pas. Braudel montre que la résilience est immédiate; après toute épreuve.
- le temps et l'effondrement.
En réalité, une société résilie immédiatement après la crise. Je suis d'accord avec lui sur un point : les teignes sont mieux armés pour survivre.
C'est une obligation d'être un rebelle et de rompre le consensus. La sortie de crise et les pousses vertes, c'est le consensus.
- Effondrement ou transition ?
Je prendrais un exemple. Les RMIstes campagnards ne peuvent avoir un trop grand jardin. Alors qu'en ville, des stages de resocialisation comporte... du jardinage...
S'il y avait UNE logique, le RMIste campagnard devrait se voir obligé d'en avoir un, cela éviterait d'arriver à l'absurdité : la faim à la campagne.
Les marginaux actuels, résidus d'un passé seront les adaptés au futur, contrairement au "habitants en élevage industriel".
Mais pour le moment, c'est vrai qu'on engage les capitaux dans des secteurs condamnés, au titre d'une économie condamnée.
Copenhague, c'est la tentative de sauver un système, alors que c'est de son enterrement qu'on devrait parler.
- Don, troc et monnaie.
Pour lui, le don, le troc l'emporte sur la monnaie, même locale. Seul problème, c'est que la monnaie a survécu à tout. Même si elle n'est que scripturale et fictive, comme je l'ai déjà dit, l'indique successions et minutes notariales, celles-ci sont toujours chiffrées. Même si l'économie locale fait amplement appel aux échanges de services, aux services mutuels rendus, elle n'évacue pas et jamais totalement la monnaie.
- Croyance en la technique et déphasage de la population.
L'agriculture de subsistance, les humains urbains l'ont oublié. Mais elle peut s'apprendre vite. Dans les articles, j'ai souvent indiqué que les pommes de terre de semences qui avaient quasiment disparu des magasins, avaient fait un retour en force. C'est désormais rentable de faire pousser les patates.
Quand à certaines techniques, il faut rappeler que la population du XVIII° siècle ignorait bien des choses, comme la conservation des aliments (la conserve), l'azote atmosphérique, et que la période 1790-1830 a été une période intense de progrès agricole, donc, on ne garderait pas tous les progrès, on pourrait en garder quelques uns.
Comment s'étonner que la population soit déphasé, alors que rien n'est fait pour la mettre en alerte ? Et quand on la met en alerte, comme à Copenhague, c'est bidon ? Et comment faire pour faire la transition ? la population campagnarde peut la commencer, pas l'urbaine.
Pour résumer, je dirais que D. Orlov, reste marqué par des origines russes, notamment sa question sur la monnaie.
Quand à d'autres points, je rappelerais une citation d'Hitler : "la guerre se gagne avec des restes, contre d'autres restes".
Passer une période de transition nécessite sans doute d'avoir beaucoup de restes de l'ancien temps, avant de recréer un environnement immédiat adapté.
Les crises, dans le monde, ont parfois été très sévères, à l'image de la crise monétaire, démographique, énergétique du 14° siècle.
Mais si il peut y avoir des dégâts importants, car, faute de préparation suffisante, elle risque d'être brutale, il y aura résilience et une nouvelle société, se mettra en place en peu de temps.
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