En réponse à Michel Drac...
Voilà la petite vidéo de Michel Drac, Toujours bien pensé, mais avec qui j'ai un certain nombre de désaccords, sans doute, parce que je ne regarde pas du même point de vue.
Il parle d'un cerveau global, centré sur lui-même, qui nous préparerait un avenir d'hindou ou de chinois (légérement amélioré), en réservant les douceurs à l'élite autoproclamé, tout en fomentant des conflits ayant plusieurs objectifs :
- faire de la place sur terre,
- s'emparer des ressources.
Il y a une chose à signaler, MD semble fort bien maitriser la psychologie des élites, et là, à mon sens, il n'y a pas grande observation à faire.
Mais le péché est sur la stratégie.
En effet, la force militaire de l'occident est usée, d'abord par les conflits, ensuite, c'est plus grave, par le laxisme budgétaire.
On a atteint, dans ce domaine, le point de mai 1940. Après un déluge de crédits, l'armée impériale est obése, usée par deux conflits qu'il faut bien dire perdus, l'Afghanistan et l'Irak, et les deux brillants sous-fifres, qui s'en sont pris à la Libye, y peinent notoirement.
Car, contrairement à Michel Drac, je pensais que la Libye durerait encore moins longtemps. Le conflit dure depuis 6 mois déjà, et si les Kadhafistes reculent, ils sont encore pugnaces, contrôlent encore du pays, et sont en mesure de tenir longtemps. En effet, ils ont de l'argent, et derrière eux, ils y a de vrais puissances militaires, la Russie et la Chine pour ne pas les citer, qui trouveront peut être un grand intérêt à attirer les comparses dans un conflit enlisé, au moins pour les dissuader d'aller plus avant, par exemple en Syrie.
Battre Kadhafi n'est pas un exploit. La libye est un petit pays, 6 millions d'habitants, indéfendable physiquement, divisé entre Cyrénaïque, prompte à l'embrasement et Tripolitaine, qui se comporte comme le centre de pouvoir, et un désert qui a ses propres spécificités.
Kadhafi putschiste arrivé il y a longtemps, était usé par 40 ans de règne, et se méfiait des armées.
Il en avait donc fait une totalement incapable de quoi que ce soit, donc de le protéger aussi.
D'ailleurs, la recette du mocassin fatal, appliqué à la Syrie fonctionne beaucoup moins bien. Pour différents motifs.
Bachar El Assad est beaucoup moins usé, il s'appuie quand même aussi sur un parti de masse, son armée est importante et la Syrie est une réalité historique ancienne, enfin, sa démographie est plus importante.
On déstabilise beaucoup plus difficilement un pays compact de 22 millions d'habitants, doté d'une armée de 500 000 hommes qu'un pays dépeuplé de 6.
En réalité, ces conflits en disent beaucoup plus long sur les agresseurs, que les agressés. Les agresseurs, sont en réalité, d'une faiblesse extrème.
Leur agression ne fonctionne que sur des pays faibles, divisés, contre des potentats caricaturaux. Ceci pour la Grande Bretagne et la France. En un mot, ils sont finis, et dépendent largement, comme les USA, de fournisseurs extérieurs à l'empire, sans lesquels aucune guerre longue, ou impliquant une vraie puissance, n'est possible.
Quand on tire avec des munitions chinoises, on ne tirera pas longtemps contre les chinois.
Pour les USA, le repli de l'empire est plus à l'ordre que la guerre sans fin. La guerre éternelle, c'était en 2000-2010.
La tentative d'essayer la guerre nucléaire contre l'Iran a été cassée par une partie même de l'armée US, la plus réaliste, sans doute.
Même Bush a freiné Cheney à certaines occasions.
Ce qui est important de relever pour le Qatar et la Syrie, c'est que ce sont des guerres saoudiennes.
L'Arabie saoudite, acculée à l'intérieur, a elle, entrepris la guerre, par mercenaires interposées, à cause de sa faiblesse démographique.
Sa démographie est contestée, elle varie de 20 à 35 millions selon les estimations, mais, au vue des ressources naturelles, c'est encore trop.
La Syrie, elle, rompt avec la Doxa. Elle retourne au protectionnisme.
D'autre part, toute la réthorique guerrière et droa-de-l'hommesque occidentale, n'est acceptée que dans les contours de l'empire américano-européen.
Ailleurs, on les prend pour ce qu'elles sont : des guerres de conquêtes coloniales, des guerres de préséances, de suzerain à féal.
Pour ce qui est du "front intérieur", c'est à dire passer à la dictature à habillage démocratique pour faire passer les pilules aux peuples, c'est aussi une vision ancienne. C'est, là aussi, la maturation 2000-2010.
Après, vient le déclin. Malgré toute l'habileté et les artifices du système, les "masses" pour prendre un terme ancien, n'y croient plus. Et ce qui était "acceptable", ou du moins "susceptible de passer", c'est à dire, une dégradation lente, devient plus difficile à étaler, quand la dégradation devient brutale, et dans le cas grec, journalière, avec un nouveau plan d'austérité tous les trois jours...
Surtout, le cerveau global lui-même semble se bloquer et radoter. Austérité, austérité, créations de structures de dettes. Pourquoi faire ???
La crise du sens dont parle Michel Drac, apparaît aussi dans le système.
Un système qui a du sens, apparaîtrait lui même capable de certains sacrifices le concernant. L'état providence des années 1930, c'était pour sauver le système.
Perdre, même 50 % des créances sur la Grèce, c'est gérable. Même perdre beaucoup plus, c'est gérable. Il faut simplement laisser la bête respirer.
La laisser respirer, ça serait simplement une bonne vieille création monétaire aux profits des états, appliqué à l'ensemble de l'empire.
Si, au lieu de "rouler" 600 milliards de dettes concernant la France, on n'en roulait "que" 400 et qu'on crée 200 milliards, ça ne serait pas, dans l'optique du système, franchement différent.
On l'aurait laissé respirer. Au niveau de la propagande, on dirait simplement que c'était une "mesure exceptionnelle", le temps que la croissance revienne.
Même pas capable de faire une mesure aussi simple...
L'argument massue du système était qu'il assurait l'abondance. Aujoud'hui, le système perd ce pilier de propagande qu'était la "prospérité".
Il s'attaque désormais à ses piliers sociologiques : retraités et fonctionnaires. Ceux que j'appelais ses "cosaques sociologiques".
Je ne pense pas qu'un système puisse se passer d'un centre, ni puisse se passer d'une certaine adhésion de la population.
Population, territoire, organisation politique et force armée restent la base de tout. Un système "hors sol" peut difficilement subsister.
Il peut tout aussi difficilement subsister que certains états concurrents sont largement "hors système", et ont leur propre logique. Ce sont les BRICS.
Ils bâtissent leur propre puissance, leur propre capitalisme. Pour Braudel, leur propre "économie monde". Elles existaient déjà, mais elles étaient sujettes, et comme toutes les économies sujettes du monde, elles ont tendance à fermer leurs gueules un certain temps, le temps de gagner et monter en puissance.
Le "cerveau global" a certainement bien verrouillé tous les accès, tout cadenassé. Mais il est visible, qu'il s'est enfermé lui même.
On nous parle de fédéralisme, de trucs et de machins crées dans une fuite en avant. Mais tout cela existait déjà, même si c'était informel.
C'est bien là aussi, la crise du sens d'un système qui est en cause. Et si certains peuvent mourir pour un pays, une nation, on ne meurt pas pour l'empire global.
On ne meurt pas pour l'économie de marché.
Et en tout état de cause, si la donne énergétique annoncée est vraie : le besoin de 4 arabies
saoudites d'ici 2020, jamais le système global inégalitaire ne pourra l'avaler.
Je pense qu'un François Fillon est emblématique d'un certain blocage. Bien installé dans sa pensée bourgeoise, il n'est nul question de remettre en cause quoi que ce soit pour les possédants.
Le sentiment de frustration sera sans doute plus puissant que le sentiment de classe, défunt ou plutôt endormi. Le système nous a bercé de besoins "impérieux". Mais aujourd'hui, sans moyen, ce système crée de la frustration. L'envie. La jalousie.
C'est sans doute un coup plus puissant porté au système global que toutes les contestations. Si je ne peux l'avoir, il n'y a pas de raison que quelqu'un l'ait.
Cela, c'est trop profond pour qu'un système de soumission puisse l'atteindre. Le système a longtemps misé sur les pires instincts de l'homme. C'est peut être, en
cela, qu'il s'est porté le coup le plus grave.
Il n'y a pas de système éternel. Seuls ceux qui sont en haut le voudraient. Et même s'ils sombraient dans la guerre, ils se créeraient des concurrents. Les militaires.
A chaque fois, ils pensent trouver le système sans défaut.
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