La valeur des choses au moment de la révolution...
Saint Just avait compris le problème des assignats. Le gonflement de la masse monétaire, sans gonflement de la production, ne produit que de l'inflation.
Contrairement à ce que l'on pense généralement, la consommation de l'époque n'est pas que celle de produits agricoles.On disait que 85 % des dépenses concernaient
l'alimentation, c'est largement faux.
A l'époque de Jean le Bon et de la peste noire, les contemporains ébahis s'aperçoivent du poids de l'industrie dans leur quotidien.
Tout paysan est d'abord un bi-actif, à la fois artisan et agriculteur. Celui qui est exclusivement agriculteur ressemble plus au mouton à 5 pattes qu'à une réalité quelconque, à n'importe quelle époque, et cela pour deux raisons.
La première est qu'il y a beaucoup de loisirs. Si, pour reprendre un terme moderne, on est overbooké en été, il n'y a rien -ou presque- à faire en hiver.
La deuxième raison, ce sont les impôts. l'impôt du noble ou de l'église, s'ils pèsent lourdement n'entraînent pas de drames. Ils sont à payer en nature.
L'impôt du noble, traduit en argent à une époque antédiluvienne pèse d'ailleurs de moins en moins.
Par contre, pour l'impôt du roi, il n'y a pas de pétard, c'est de l'argent qu'il faut. Pour régler le noble, comme le roi, il faut donc avoir une activité qui rapporte quelques pièces.
C'est l'activité industrielle, artisanale, ou commerciale.
Parce que, pour la plupart des paysans, leurs champs sont tellement réduits que leur production est autoconsommée.
Les excédents existent sur peu d'exploitations, les grandes, cultivées à la charrue, avec deux boeufs. Encore, on retombe sur un autre problème. Ces bêtes si puissantes consomment beaucoup d'espace pour leur propre subsistance.
D'ailleurs, l'attelage de boeufs ne deviendra courant que dans les années 1920. C'est à dire, très tardivement, dans une France paysanne, saignée par l'exode rural, où les terres deviennent trop nombreuses.
Alors, les français de 1788 disposent ils d'une richesse autre que les richesses immobiles, c'est à dire, les terres, et le bâti ?
Oui. Mais il est d'une autre nature.
En 1788, on produit en France 30 000 tonnes de fers et d'aciers. Rapporté à la population, cela représente un peu plus d'un kilo de fer par habitant et par an.
La saisie des outils, si décriée dans les cahiers de doléances nous éclaire davantage. La plupart de ceux-ci sont encore en bois, mais déjà de coûteux outils de culture en fer sont disponibles.
Personnellement, je possède une très vieille bêche, dans la famille de manière immémoriale. Elle a été fabriqué en acier au bois. En 1788, si elle existait déjà,
elle représentait une vraie fortune. ( Tarataataaaa : j'ai pas de rollex, mais j'aiii une bêêêcchhe !) Une rollex, c'est à la portée du premier petzouille
venu.
Un autre outil se généralise à l'époque de la révolution. C'est la faux. Connue depuis très longtemps, elle a été très longtemps mal vue. Mise à l'horizontale, c'est la fauchard du moyen-âge, et contre lui, même le chevalier a du mal. C'est avec ce genre d'outils que 1300 montagnards suisses vont rentrer dans l'histoire au début du 14° siècle. Ils écrasent sans rémission une armée autrichienne de 30 000 hommes.
Ils viennent d'inventer le pâté de viennois.
Si la faux se généralise, au dépens de la faucille, c'est à cause de la levée en masse. Les hommes jeunes, de 18 à 25 ans sont partis, et c'étaient les plus productifs.
Dans la fortune des plus humbles, les biens de productions sont importants, et un vol est sévèrement puni. Il n'est pas facilement amendable. Les outils en bois, peu coûteux, sont eux, fragiles et peu productifs.
Et ne parlons même pas de la Rolls-royce de l'époque, la charrue. En posséder une, est pour le commun des mortels, comme posséder un avion aujourd'hui. Une vue de l'esprit.
Bien entendu, d'autres biens de consommation existent, surtout dans la bourgeoisie. 1/3 de la population est aisé.
Il existe de l'ameublement, surtout le coffre-fort en bois, le coffre-fort bas s'est généralisé au XVI°siècle, il sert à garder le grain. Avec une serrure vénitienne, aussi compliquée que lourde.
On peut aussi compter l'armement. L'armée varie au XVIII° siècle entre 400 000 et 200 000 hommes suivant les périodes. Beaucoup d'anciens soldats ont ramené des armes blanches à feu de leurs campagnes.
Comparativement, le noble, lui, est armé jusqu'aux dents.
Pour parler de richesse à cette époque, oublions la richesse immobilière, pensons que si nous sommes dans l'âge du fer depuis très longtemps, il n'a pas encore pénétré toutes les strates de la société.
Comme à l'heure actuel, la formation est cruciale. Un savetier peut s'en tirer très bien. Un guérisseur réputé n'a rien à envier au noble. Il vit mieux que lui.
Celui qui s'en tire le plus mal, c'est celui qui n'a pas de métier, pas de biens. Il est mûr pour mal tourner. Si la délinquance a beaucoup baissé depuis le XVI° siècle, elle s'est organisée.
Le malandrin devient soldat. Il pourra se mal conduire tout à loisir...