Naissance, maturité, déclin...
Je reproduis ici le point de vue d'un médecin, pour y répondre :
Cher patrick,
Je parcours votre blog depuis quelques temps. Etant médecin généraliste, il est des passages qui m'énervent proprement...
En ces temps de crises, et ayant depuis 4 ans lu énormément de textes d'économie pure et de blogs, j'ai pour ma part bien compris pourquoi nous en
étions la... En gros pas assez de redistribution de la richesse, et pour diverses raisons qui ne tiennent pas seulement au capitalisme mais aussi aux politiciens des ces dernières 40 années de
gauche ou de droite.
Cependant j'aimerai vous délivrer qq remarques concernant la médecine.
Si on nous consulte, c'est parce qu'il existe une secu, qui ouvre des droits a tous les assures de France. Et si je vois aujourd'hui 40 patients par
jour, c'est parce qu'au final, avec leurs secu et leurs mutuelles ils ne paient rien pour leur santé ou presque, compare a ce qu'ils mettent dans de paquets de cigarettes, de l'alcool ou des
équipements média de dernier cri voir des protables ( Meme moi je n'ai pas d'I Phone ni tablette.. ) Pourquoi faire cette réflexion de comparaison cout de la sante/ prix de différents produits ?
PARCE QUE en ces temps de crise, votre meilleur capital c'est votre santé !!! Vous n'etes pas impose sur votre bonne santé, et c'est elle qui vous permet de vous projeter dans un avenir.. Sans
elle vous n'êtes rien. Me femme est atteinte de Polyarthrite Rhumatoïde, j'en parle en connaissance de cause...
Second point: le developpement de la sante dans un pays est surtout initialement lie a l'economie. Pour que des entreprises fonctionnent bien, il
faut pouvoir compter sur des employes en bonne sante... Un ingenieur qui choppe une tuberculose, un agent de maitrise un infarctus, plusieurs ouvriers a l'hosto pour une pneumopathie pas traite
en temps et heure, ca desorganise une economie. Sans parler de la mortalite infantile qui qd elle s'aggrave tue tout avenir possible, puisque la releve des anciens tarde a venir.
Ce droit que l'etat donne aux citoyens fait que nous medecins ne forcons personne a nous consulter... Nous ne sommes pas des tyrans...
Maintenant je peux admettre une chose : sur les 40 patients que je vois chaque jour, seuls 20 meriteraient reellement un avis de medecin... Et donc
on peut reellement diminuer le nombre de medecins par 2... Reste a faire passer la pillule aux citoyens, puisque apres cette diminution drastique, ils n'auront plus facilement accès a la
médecine. Et des comportements que je déteste se mettront en marche, du genre du pistonnage pour etre vu qd même, malgré la restriction.
Enfin une dimension fondamentale est occulte dans vos propos: La prévention. C'est la prévention qui a fait gagner en espérance de vie. Le fait de
ponter, de placer un stent cardiaque, de faire des mammo ou des hemocult pour depister des cancers en debut de developpement. Ma fonction a permis de sauver environ 50 patients depuis 4 ans rien
qu'avec les hemocults. Dont un recemment qui a 46 ans commencait un cancer du colon. Vous pouvez tjs contester les progres medicaux, mais si cela n'est pas le cas, alors vous devez admettre que
la nedecine dans une société digne de ce nom, est nécessaire.
Enfin pour en terminer , je fais 65 heures voire 70 heures avec les paperasses, ennon payees en
heures supplementaires. Je ne peux prendre d'arret puisque nous avons une carce de 3 MOIS !!! Je ne peux pas faire de noir comme tant d'autres , et donc je
suis impose aussi sur mes heures de loisirs, si on s'en refaire aux 35 heures, et que j'en fais donc 30 de plus. Travaillez moins me direz-vous ??!! Sauf que qd les appels tombent, il est
difficile de dire a un patient que je fais 35 heures , et qu'il doit attendre son RDV dans 4 ou 5 jours.. Si je fais 65 heures, c'est par la presion qu'exercent les patients. Pas pour cette
histoire d'argent.. Je gagne bien ma vie c'est exact 7500 e/ mois 1000 e de plus avec ma femme, cependant etant jeune installe tout repart en impots taxes diverses et frais d'installation. Je
fais parti helas de cette generation d'imbeciles qui a acheter un cabinet et une maison assez simple mais au prix fort, parce que nous payons pour tous ces vieux a la retraite qui ont jetter
l'argent par la fenetre depuis 40 ans, par la dette, l'inflation monetaire et l'inflation des actifs.
J'aimerai d'ailleurs connaitre votre age, cher ami, car si faites parti des plus de 60 ans, vous avez une tres dette envers moi-meme et ceux de ma
generation comme de celles qui nous suivent.
Au final j'stime etre privilegie, et pour cette raison j'accepte volontiers les augmentaions d'impots qui seront necessaire, a condition que l'on
taxe le capital et la richesse fonciere et l'assurance-vie ( bref qu'on taxe le patrimoine des vieux ), que l'on revoit les conditions de l'etat providence en le rendant plus efficace ( une aide
se concoit dans l'idee d'une reinsertion ),que l'on separe banques d'affaires et de depot, et surtout qu'on arrete de faire des dettes a tous les niveaux. Le temps de la vraie politique est venu,
que la gauche taxe ceux qui ont pour donner aux pauvres, ou que la droite taxe les pauvres pour donner aux autres, pas de politique avec de la dette, c'est bcp trop facile et au finel ca tue une
nation... Comme c'est notre futur.
Merci Mr Raymond, par ailleurs pour un certain nombre de vos analyses, qui hormis les medecins, sont assez justes pour moi.
Je vais rappeler un lieu commun. La sécurité sociale, ça sert à soigner la population, hors la frange qui le pouvait à son époque, c'est à dire, les riches, et les personnes travaillant dans les grandes entreprises, et qui pourvoyaient à leur santé, eût égard à la productivité et au maintien de la force de travail.
C'est la phase de naissance et de maturation. Elle a duré en gros, 25 ans (1945-1970), après, vient la phase de maturité où cela commence à se dérégler.
En effet, la sécurité sociale aussi, c'est la certitude d'être payé pour de faux indépendants. Ces faux indépendants sont les professions médicales, chères à tous les titres à un parti politique dominant.
Dans le contexte général et depuis 10 ans, ces "indépendants" ont droit à des augmentations générales de tarifs, sans rapport avec le service rendu, mais pour enrichir effectivement ces catégories.
En effet, si le prix de la consultation est le même partout, il sert en région parisienne à payer un immobilier hors de prix (constitution d'une rente), mais ailleurs, c'est de la rente pure (mon propre médecin est installé depuis 25 ans, et le prix de l'achat, très léger à l'époque, est devenu risible avec le temps...).
La certitude de paiement a entrainé la redondance des effectifs, notamment infirmiers, qui existaient peu avant. En
outre, ils sont, très correctement payé ; en effet, un bac + 5, dans notre société, ça devient la norme, plus que l'exception.
Aujourd'hui, dans le monde hospitalier, se multiplient les gestionnaires, simplement pour empêcher la situation d'empirer. Et les gestionnaires sont en inflation eux aussi. Comme le dit notre ami
médecin, ça rallonge aussi sa durée hebdomadaire de travail de 5 heures...
Mais comme l'a dit notre ami médecin, et comme je l'avais déjà précisé, la médecine efficace, c'est de la prévention. Et la prévention, ça ne coûte pas cher, contrairement à ce que l'on croit,
c'est une médecine de dispensaire, aisément accessible.
Pour qu'elle soit aisément accessible, il faudrait que les franchises médicales soient abolies. Hors depuis 1966, elles n'ont cessé d'augmenter.
Si le médecin voit aussi beaucoup de gens qui ne devraient pas le voir, c'est qu'ils doivent gérer aussi beaucoup de stress, qui ne trouvent plus d'exutoires. En effet, tous les relais de la société, qui l'encadraient, ont sauté, notamment les relais religieux, politiques (le militant de base), n'existent plus, ou sont très amoindries.
Autre chose, les quotas et la durée des études. Comment faire une ségrégation sociale qui ne dit pas son nom ? Quotas
et durée, virent les plus pauvres du circuit, et permet à l'hérédité des charges de s'installer.
9 années d'études sont elles réellement nécessaires ? En Italie, ils ont réduit d'une.
Et comme je l'ai déjà dit, une médecine de dispensaire ne demande pas des cracks en tout, mais simplement des gens attentifs et sérieux, capables d'aiguiller...
Avant, la hiérarchie était à peu près respecté, le spécialiste avait des années d'étude en plus. Maintenant, tout le monde fait la même...
Si les durées de travail sont longues en médecine, c'est que ce problème n'a jamais été au coeur des exigences médicales.
Dans les hopitaux, comme partout, les chefs se comportent en cadres indispensables, et devant tout voir.Le mot
"délégation", n'appartient pas trop à leur vocabulaire...
Et les durées hebdomadaires de travail sont aussi du à l'effet quota. Ces quotas d'ailleurs, répondaient à une demande d'une partie du corps médical, soucieux de son revenu et de son "rang".
On arrive donc où le bât blesse. Si la majorité des médecins font leur travail en conscience, pour beaucoup, c'est
aussi une gâche bien payée. Les médecins ne sont pas des surhommes, et certains ou beaucoup sont là pour faire le maximum de blé.
On peut voir aussi un effet "labo". Si l'affaire du mediator a pris cette ampleur, c'est qu'elle met elle aussi le
"doit", là où ça fait mal.
Servier n'a rien commis d'illégal, il a simplement compris comment fonctionnait le système et en a pris le meilleur parti.
Face à des ministres qui restent 3 ans, des lobbystes qui trônent depuis 40 ans ont l'avantage de la durée, et savent "éclairer" les choix des responsables, et au besoin, implanter une usine dans
leur circonscription...
Tout système crée ses profiteurs, et si les médecins ne sont pas les pires, ils en sont quand même.
Pour éviter toutes ces dérives, au moins au niveau du médecin, les solutions sont simples :
- impôt progressif sur le revenu (de 0 à 100 %), relativisant le degré "d'indispensabilité",
- beaucoup plus de médecins, ce qui leur permettrait justement des durées de travail plus convenables, et limiterait
l'effet "hérédité".
- médecine de prévention et de dispensaire.
Le système de santé nord américains est en dérive absolue. Il est cher, et ne soigne pas. Comme la prévention est un gros mot, on soigne des pathologies devenues lourdes par manque de dépistage. c'est seulement un gruyère très goûteux pour des tas de parasites.
200 $ pour une simple visite, ce n'est plus un tarif, c'est un délire sous LSD.
Il souffre des mêmes maux que le CMI, goinfré de crédits, qui l'étouffent. On a besoin de plus en plus, pour faire de
moins en moins.
La loi de naissance, maturité, déclin a parfaitement été illustré par l'affaire du collier de la reine et le cardinal de Rohan.
Selon Claude Manceron, les revenus du cardinal de Rohan étaient de 800 000 livres par an, par la dîme et le rapport
des biens de l'église.
Le cardinal de Rohan a été victime d'une escroquerie dont les auteurs pensaient qu'ils payerait, vu ses revenus, pour étouffer l'affaire.
Hélas, pour eux et pour lui, il épongeait déjà bien des faillites de la famille Rohan et n'avait plus un sou disponible.
Bien entendu, la dîme, qui devait servir :
- à l'assistance des pauvres, des veuves, des orphelins et des vieux, c'est à dire le budget social,
- à l'entretien des biens du clergé, était entièrement absorbé par ces parasites.
En 1358-1360, par contre, lors de la "grande commocion", l'église n'est pas du tout remise en cause, seule la noblesse l'est.
En 1560-1590, par contre, elle subit de sérieuses attaques. Mais entre temps, le concordat de 1515 en a fait un simple
tiroir caisse pour la haute noblesse.
L'amiral de Coligny, bien que protestant et ennemi, recevait les revenus de plusieurs abbayes.
Bien sûr, au 17° siècle, il y eut une réaction contre tous ces abus, mais au XVIII°, ils recommencèrent de plus belle, et Louis XVI eût un bon mot : "il faudrait au moins que l'archevêque de Paris crût en Dieu", sans compter Talleyrand (tas de merde dans un bas de soie), devenu évêque parce que c'était bien payé et qu'il était invalide. Dans toute sa carrière, il reconnut avoir reçu 60 millions de pots de vins...
Autre marque de dérive, le nucléaire. Il est paru dans "Science et vie", un article fort intéressant sur le nucléaire, qui montre un verrouillage parfait au profit d'une technologie fort contestable, et pas du tout l'intérêt de la communauté.
Il existe 120 concepts nucléaires, mais un seul qui a un lobby derrière lui. Les autres sont de simples projets de
concepteurs passionnés, mais sans poids politique.
Dans le même Science et vie, il y a aussi un article fort éloquent sur le je m'en foutisme généralisé des personnels hospitaliers, qui au dire de Philippe Chambon "le personnel hospitalier ne sait il pas qu'il existe des microbes" ? A vrai dire, non... Pasteur, c'est qui ???
En nous, en chacun de nous résident deux personnes : l'individu qui peut être bon ou mauvais, et la part de "l'être global", à laquel nous participons tous.
Un médecin peut être honnéte personnellement, mais participer de toute bonne foi, à la dérive du monstre global qu'est devenu le système de santé, et le système en général.
Le système de santé, comme le système global a désormais un besoin vital de "pérestroïka" et de
"glasnost".