Volcan d'Islande, kriegspiel et mondialisation.
L'éruption du volcan islandais au nom imprononçable semble se calmer, et renaît tant bien que mal le transport aérien, plutôt mal que bien, d'ailleurs.
On peut se poser des questions.
Non pas celles, usuelles des journalistes officiels de la presse-pravda : "ça a troublé le bizness et c'était exagéré !"
Après tout, que quelques appareils aillent au fond de l'eau, comme quelques mineurs qui viennent de mourir en Virginie, ou que les conduites GDF explosent, fait verser quelques larmes de crocodiles, d'autant plus grosses qu'elles sont simulées.
Après tout, ce risque là, les compagnies s'en balancent. Elles ont leurs avocats et leurs primes d'assurances pour en minimiser le coût.
Le pire, pour une firme, c'est de ne pas payer le dividende. Les morts, c'est secondaire.
Hors, dans leur état de puissance, on peut s'étonner que l'on ait pris si tôt la décision d'interrompre les vols.
Et si tout cela n'était qu'un kriegspiel, un jeu de guerre, où l'on simule une situation, pour voir les tenants et les aboutissants ? Les points forts, faibles, les goulots d'étranglements.
C'est d'autant plus vraisemblable que le mois dernier, le contrôle aérien faisait un exercice, justement de trafic interrompu par une éruption.
Là, aurait on voulu voir les conséquences économiques, en bloquant quelques jours, mais pas trop ? Je ne crois pas qu'il puisse y avoir de coïncidences fortuites.
Car si l'on réfléchit bien à la situation du transport aérien, elle est tout à fait catastrophique.
Depuis 2001, il est saigné à blanc par l'augmentation continue du prix du kérozène, par la concurrence et l'absence de viabilité du modèle économique utilisé.
Question donc, en prévoyance d'un pic-oil imminent, encore plus ravageur, a t'on voulu voir "in-vivo", les problèmes que cela engendrerait.
Car il est évident que, de tous les secteurs économiques, celui qui vulgairement se ramasserait en premier serait bien le transport aérien.
En fait, il se ramasse déjà.
5 milliards de pertes annuels pour l'ensemble des compagnies de l'IATA depuis 2001 et 10 milliards depuis la crise.
On peut déjà dire qu'il est gravement malade. Il a d'ailleurs entamé sa descente aux enfers, demandant la perfusion de maman : la nationalisation des pertes.
5 % du commerce mondial (en volume) mais 40 % en valeur se fait par l'avion. Mais dans le secteur, le fret est DEJA le secteur le plus malade, le plus perfusé. Il est largement sous-utilisé, le taux de remplissage y étant ridicule.
On a vu donc, les conséquences. Et elles étaient trop vite visibles pour être honnête : les 1000 tonnes jours de légumes, fruits et fleurs qui ne pouvaient être expédiés du Kenya, les usines automobiles qui s'arrêtent, faute de pièces, et côté positif, eurotunnel fonctionnant à 100 % de ses capacités, le rail en plein rebond, avec quand même la touche de comique, qui ne DOIT pas manquer : la SNCF en plein conflit social, grâce largement au problème du fret que les (ir)responsables veulent encore réduire, comme toujours, depuis bien des années.
Avec, peut être, en prime, une petite lueur d'intelligence dans l'hyperclasse : le monde, c'est grand, et voyager sans avions, c'est long, d'ailleurs, tout est long sans avion, même l'Auvergne, vu de Paris, c'est le bout du monde quand tout est bondé...
Cela me fait penser à une mésaventure qu'un proche m'a raconté : un Nimes-Le Puy (139 km), en 1943... Deux jours de voyage avec des péripéties si nombreuses
qu'elles semblaient sorties d'un film comique...
Dans le meilleur des cas, on vient de découvrir l'aléa, dans le pire, c'était un exercice grandeur nature.
Comme le protectionnisme est réputé très vilain, aurait on voulu se justifier, à une heure où les sondages confidentiels réalisés pour l'Union européenne montre un très fort rejet du libre-échange ?
Pour les pays du tiers monde qui bénéficient encore du système, le "bizness" doit revenir comme d'habitude.
Mais, l'Europe se définit comme l'homme malade du monde aujourd'hui, sans doute parce qu'elle est la zone la plus libérale, avec la monnaie la plus surévaluée.
Des éruptions majeures, il en existe plusieurs par siècle. Elles arriveront, mais on ne sait pas quand. Imagine t'on un épisode de l'importance du Krakatoa, du Mérapi ou du Laki aujourd'hui ?
les libéraux anglais avaient décidé au 19° siècle qu'ils pouvaient abandonner la sécurité alimentaire, car la maitrise des mers était britannique pour l'éternité (et "non négociable"). On a vu ce que cela a donné.
Deux choses ont prouvées leur caractère non viable : la mondialisation, et le zéro stock. En général, ceux qui fonctionnent à contre-courant dans ce contexte, amassent des fortunes en un clin d'oeil. Tout se vend à n'importe quel prix.
Nous avions déjà eu de beaux exemples pendant la grève des camionneurs de 1992. Pour le moment, les incidents sont significatifs, mais réduits en temps. Un jour, ils seront beaucoup plus longs et répétitifs, au moins à cause du problème pétrolier qui s'approche et va devenir incontournable.
La seule alternative étant que la paupérisation et la chute des monnaies cassent la demande... et nous fassent aussi sortir de la mondialisation.