COURRIER DE LECTEUR... 21/12/2018
Les Gilets Jaunes, c'est un effet de la déplétion des combustibles fossiles. Celle-ci amène un ralentissement de l'activité économique. D'où un appauvrissement, plus ou moins sensible, de 80% de la population. D'où une moindre consommation d'essence, surtout visible d'une génération à l'autre. D'où une baisse des revenus que l'État tire des taxes sur l'essence.
Comme "en même temps" Macron a fait baisser les impôts des riches, il a décidé de taxer davantage l'essence pour compenser la baisse des revenus de l'État. Les riches (ou les retraités qui roulent peu, comme moi) ne sont pas affectés directement par le prix de l'essence. Mais les smicards qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller bosser à 30 bornes de chez eux, si.
Et ils sont d'autant plus mécontents que le kérosène des avions n'est pas taxé. Rappelons que seulement un français sur cinq prend l'avion. Mais c'est le 20% des Français le plus cher au cœur de la caste actuellement au pouvoir.
La décroissance, c'est aussi un test de solidarité, et les riches (pour parler d'une façon très générale) l'ont lamentablement raté. Le message reçu par la base, c'est : "Tant pis si les pauvres crèvent plus vite, pourvu que nous les riches nous puissions continuer à vivre dans l'opulence un peu plus longtemps."
"Crever plus vite", ce n'est plus vraiment une métaphore : l'espérance de vie des blancs pauvres continue de diminuer aux États-Unis. C'est la faute aux médicaments anti-douleurs, paraît-il.
"La décroissance, c'est la guerre," disait Michel Rocard, une fois à la retraite. Il avait raison. Le mouvement des Gilets Jaunes, ce n'est rien, juste un signal d'alerte. On verra pire, sous des formes que personne ne peut prévoir. La décroissance a commencé, tout doucement d'abord, depuis déjà quelques années, mais elle va s'accélérer. À mon humble avis, question troubles sociaux et colère prolétarienne, on n'a encore rien vu.
Allez, chiche, Manu, la prochaine fois, tu réduis les prestations sociales, "qui coûtent un pognon dingue", comme tu dis. On verra comment ça sera perçu dans les quartiers sensibles de nos banlieues, où une proportion importante de gens survivent grâce à ces mêmes prestations sociales...
Je connais une dame qui loue 500€ par mois un mini-studio insalubre, dans le 9-3. Pour cette raison, elle ne fait jamais faire les diagnostics chaque fois qu'elle change de locataire. Sa locataire actuelle, une métisse qui vit de petits jobs en intérim, le lui a fait remarquer. La dame m'a fait part hier de son indignation. Comment sa locataire ose-t-elle se plaindre, alors que personne d'autre ne voudrait lui louer un logement ! La vie est dure en banlieue, pour une métisse, plutôt jolie mais un peu caractérielle (donc incapable de garder un compagnon ou une colocataire) qui survit d'un job de merde à l'autre.
Pour la locataire, c'est ce que les Américains appellent "being one step away from homelessness", être à un pas d'être SDF. Une période de chômage un peu trop prolongée, un propriétaire qui a soudainement peur d'avoir des ennuis parce que le logement n'est pas du tout aux normes, voire dangereux, les APL qui baissent un peu trop, et on se retrouve à la rue, ou à dormir dans une camionnette abandonnée. Il paraît qu'ils sont de plus en plus nombreux, dans la banlieue est de Paris, à être dans cette situation.
Heureusement qu'en Seine Saint-Denis, l'application des lois est devenue élastique. J'ai rencontré fortuitement, il y a deux ans, le technicien qui avait fait, quelques années auparavant, les diagnostics de l'immeuble de Saint-Denis où les tueurs du Bataclan s'étaient réfugiés. Il avait mentionné dans son rapport que l'immeuble était insalubre, et même dangereux à habiter (il ne pensait pas aux islamistes, à l'époque). Son rapport n'avait eu aucun effet. La Seine Saint-Denis est en faillite, et a besoin chaque année de l'aide de l'État (c'est-à-dire des impôts payés par les contribuables du reste de la France) pour payer le RSA (sinon, ce serait l'émeute). Quelqu'un qui est logé dans un taudis, c'est triste, mais c'est mieux qu'un SDF (on en a aussi). Il paraît (merci pour le lien, M'sieur Reymond) qu'ils seraient 370.000 à être dans cette situation en IDF. C'est l'équivalent d'une capitale provinciale, ou un peu plus que la population de l'Yonne.