Energie : la presse pravda a encore frappé.
Il n’y a aucune trace des « erreurs antérieures » considérables : » ‘il y a suffisamment de ressources mondiales en énergie pour répondre à la prévision de demande en 2030 et bien au-delà’, souligne l’AIE. «
Bien entendu, on n’indique pas, par exemple, que les consommations pétrolières estimées pour 2030 sont passées de 130 Millions de barils/jour au chiffre, encore contesté, de 105 millions. La plupart des pétroliers pensent d’ailleurs que le chiffre de 100 millions de barils est lui-même très optimiste.
Il faudrait, en matière pétrolière, découvrir 4 Arabie Saoudite pour maintenir la production et 6 pour l’augmenter.
Les gisements découverts représentent, au plus, quelques mois de consommation mondiale, et le seul champ pétrolier géant peu exploité, Kashagan, est extraordinairement compliqué et coûteux à utiliser (présence de soufre et de gaz explosif).
En la matière, la consigne était de ne pas peiner les USA, de ne même pas refaire une addition. Il a fallu attendre que L’AIE retrouve son courage et son crayon, pour procéder à cette opération arithmétique de base et donner une date pour le Peak Oil [pic pétrolier] : 2020. Encore faut-il dire que cette date apparaît, elle-même, très optimiste.
La vitesse de déclin des gisements, estimée à 3,7 % en 2008, est passée à un chiffre plus réaliste de 6,7 %. En gros, la production baisse de 5 millions de barils-jour par an et les nouveaux gisements ne fournissent que 1,5 millions de barils.
Quant aux nouvelles découvertes, elles n’ont souvent, comme au Brésil, qu’un inconvénient : on ne sait pas aller assez profond, ni comment traverser des couches de sel très épaisses. Et les gisements non-conventionnels, tels les schistes bitumineux et le pétrole lourd de l’Orénoque, présentent le désavantage de demander une grosse consommation d’énergie et des investissements massifs, sans doute jamais rentables.
Pour le gaz, la donne est tout aussi claire : le pic gazier suit de 5 ans le pic pétrolier et non, de 30 ans comme on le pensait.
La Grande-Bretagne thatchérienne était fondée sur une équation simple : Pétrole + Gaz + Bourse, avec liquidation de l’industrie (trop sale, trop syndiquée). On en voit les ravages, à l’heure actuelle, sur l’économie britannique, quand ces trois moteurs s’arrêtent en même temps.
En réalité, les gisements gaziers maintiennent leur production très longtemps, mais décroissent à très grand vitesse, contrairement aux huiles qu’il faut souvent pomper et mettre sous pression (par azote ou eau de mer).
Le 1/3 des pays producteurs a atteint le pic gazier. Les hydrates de méthane, sont, quant à eux, pour l’instant, un rêve (dangereux)…
En ce qui concerne l’atome, le sort en est encore plus vite réglé : contrairement à ce que l’on dit, il n’y a pas de relance possible. La production est insuffisante depuis 20 ans, et sans le désarmement consécutif à l’après-guerre froide, les centrales nucléaires seraient en attente de leur combustible. Pour ce qui est des autres possibilités (spallation, thorium, surrégénérateur), ce ne sont encore que des espoirs.
Beaucoup de gisements d’uranium défraient la chronique : du champ de taille, qu’on est obligé de congeler, aux mines inondées, la liste est longue. De même, le monde regorge d’uranium, mais qu’on ne sait pas récupérer, ni techniquement, ni en termes économiquement rentables, comme les 400 tonnes d’uranium que charrie, chaque année, le Rhône.
Pour le charbon, la progression de la production masque aussi la vérité ; le noir décline au profit du brun. Il sera donc difficile de produire du pétrole avec, comme l’Allemagne nazie. En effet, cette production nécessite de l’anthracite. De plus, s’il était vraisemblable de produire 10 millions de tonnes pour une économie de guerre, passer à 40 ou 50 millions serait un autre enjeu et 400 à 500 millions au niveau mondial, une impossibilité.
Enfin, pour toutes les énergies, les temps faciles sont terminés. Les temps faciles, c’était l’époque où on allait extraire du pétrole en affleurement, ou à 15 mètres de profondeur. Tous les gisements énergétiques ou minéraux exploités en priorité, ont été les moins coûteux : les plus facilement accessibles. A l’heure actuelle, il reste ce dont on n’avait pas voulu, ou qu’on n’avait pu exploiter à une époque.
Un internaute, pour rire, me disait : chacun sa raffinerie. Il ne croyait pas si bien dire. Dans les années 1960, dans le delta du Niger, chacun avait son puits et sa raffinerie.
En outre, le culte du « tout marché » a caché la vérité : notamment pour le poste le plus consommateur, le bâtiment, où l’alternative n’est pas entre énergies, mais entre consommer et ne pas consommer. Nos ancêtres n’avaient guère les moyens de se chauffer. Le bois était rare et pour la cuisine, ou pour les riches. Ils avaient donc dû trouver des techniques économes, pour la simple survie. On les redécouvre souvent, tout simplement.
Les secteurs économiques sont donc, logiquement, « triés » en fonction de leur nécessité économique profonde et intrinsèque.
Le secteur aérien souffre beaucoup. Les compagnies aériennes classiques sont en train de mourir, mais les « low-cost » ne seront bientôt pas en reste : leur modèle économique, c’était un fusil a un coup. Ils n’ont plus rien à réduire.
Les activités économiques concernant la fanfreluche seront les plus touchées. Notre cher hypermarché, qui s’approvisionnait en haricots du Burkina Faso et du Kenya, ou en chaussettes chinoises, va devoir revoir sa copie.
Comme disait Braudel en 1979, « pour le moment, le plafond semble s’être éloigné, mais rien ne dit qu’il ne reviendra pas. »
Fernand Raynaud faisait rire avec l’histoire du boulanger. Mais cette histoire n’est amusante que dans un état où la sécurité alimentaire est maximale. On verra ce qui arrivera, quand l’agriculture-pétrole (déjà insuffisante au niveau mondial) devra être remplacée par une agriculture de subsistance, avec de faibles excédents (quand il y en aura).
On redécouvrira finalement que la fin du contrôle barriste, concernant le prix du pain, n’était peut-être pas une bonne idée et que, s’il y a eu des siècles de fixation étatique, c’est qu’il y avait une raison.
De même, la période libérale actuelle n’a pu se développer qu’à partir de deux paramètres : des transports doublés d’une énergie bon marché, et un déficit commercial US. On devrait informer monsieur Lamy qu’il va désormais manquer quelque chose.
En outre, le mouvement d’économie d’énergie enclenché, semble gripper un peu le scénario. Les USA, notamment, souffrant dans ce domaine d’un archaïsme technique ahurissant (on y est souvent resté aux années 1950), semblent se livrer à une politique d’économie tous azimuts, impressionnante.
De plus, celle-ci est doublée d’une paupérisation visible (abandon de plus de 20 millions de logements) et de changements d’habitudes tout aussi visibles (le tour de ville du samedi soir), en attendant de pouvoir posséder une flotte automobile à la consommation honnête.
Les pays de l’OCDE, en la matière, suivent la tendance US, mais de manière atténuée. Il n’y a aucune raison que, pour des motifs vaseux, on fasse l’impasse sur les progrès techniques en cours.
Les pays en développement, quant à eux, progressent avec la dernière technologie existante, non avec celle d’avant. C’est un phénomène déjà connu au XIXème siècle. L’essor industriel français, qui avait suivi le britannique, avait déjà été plus économe en énergie (- 60 %), parce que les quantités de charbon disponibles étaient beaucoup plus réduites et que les machines construites tenaient compte – déjà – de ce paramètre.
Les oscillations de prix énergétiques, naviguant entre plus hauts et plus bas vertigineux, ont des effets ravageurs sur la psychologie humaine : il n’y a désormais plus de « bonne » consommation, plus rien de prévisible. La bonne consommation, c’est celle que l’on ne fait pas.