Abolition de l'esclavage, mais retour du péonage...
... ou du servage, mais le mot péonage est plus indiqué.
L'esclavage, c'est pô bien. Economiquement parlant je veux dire.
Un esclave, en l'absence de traite, ça devient vite un gros capital. Il faut de plus le soigner et le nourrir. S'il est rebelle et s'il est battu, ça se voit. Il perd une valeur énorme.
Mais, il y a pire. Dans la société esclavagiste, il y a un gros problème, c'est la sous productivité chronique. Le maître et la classe des maîtres, ne travaille pas. C'est normal, c'est le maître. Et il fait vivre un tas de parasites, qui trouve que finalement, aller taper le maître, c'est plus productif que de travailler.
Pour l'esclave, c'est encore mieux. L'esclave est en grève la plupart du temps. Attention, pas en grève total, mais en grève du zèle ou grève perlée. Quand il est surveillé, il fait quelque chose, quand il ne l'est pas, le minimum du minimum. On a peu de sanctions contre lui. Il vaut si cher.
Pendant la guerre civile US, on estimait dans le sud qu'il fallait un contremaitre pour 20 esclaves, pour permettre un rendement qui reste dans l'acceptable.
Mais l'abolition libère d'abord le maître. Il n'a plus besoin d'investir des capitaux monstrueux dans l'achat des esclaves, et il n'a plus à les entretenir. Ils sont libres, ils se démerdent. Plus besoin, ni de les nourrir, ni de les soigner. C'est à leur charge.
Quand les anciens maîtres ont besoin de main d 'oeuvre, c'est ponctuel, et ils n'ont pas besoin d'elle tout le temps.
Alors, que se passe t'il ? L'esclave devient métayer, serf ou journalier. Dans tous les cas, un autre mécanisme se met en marche. Le métayer nouveau n'a ni outils, ni semence, ni de quoi se nourrir jusqu'à la prochaine récolte.Il devra emprunter à son ancien maître.
Et là, les taux d'intérêts, même bas, vont faire leur oeuvre. Les métayers vont être éternellement endettés. On a imputé au KKK la grande migration des noirs vers le nord. Dans "racines", de Alex Haley, les noirs s'en vont pour échapper à ce mécanisme de nouvel esclavage par la dette. Ce sont les USA.
Pour les serfs européens, c'est un autre mécanisme qui se met en place, le rachat. Les prix bougent et augmentent, mais pas les redevances féodales, les serfs arrivent à racheter progressivement droits et libertés. Dans les grandes catastrophes démographiques, ils s'enfuient. Lors de l'abolition du servage en France, il n'en reste qu'en Normandie, la région la plus riche, la seule qui leur permet de survivre sous ce statut.
En Europe de l'est, cela se fait progressivement. Le Tsar Paul décide que le serf ne le sera que 3 jours par semaines, le reste du temps, il sera libre de cultiver son lopin. Difficilement applicable, c'est quand même un reflux significatif. On y songera sous la Convention, en France, pour les colonies.
Lors de l'abolition totale du servage russe, la "grande catastrophe", selon le terme des serfs, ceux-ci s'ils ont la liberté personnelle relative (on ne voyage pas sans passeport en Russie), ils ne reçoivent que la moitié de leurs terres, le reste restant à la noblesse, qu'il doivent racheter souvent à des prix prohibitifs (3 fois le prix constatés), dans certaines zones, amicaux à d'autres : en Pologne Russe, le prix est celui du marché. Le pouvoir a voulu dresser là, les paysans contre les nobles indépendantistes.
Pour que le système tienne, le régime utilisera plusieurs soupapes de sécurités. La première est que l'immigration en Sibérie est encouragée, la seconde, ce sont les remises d'impôts en cas de crises. La dernière est l'alcoolisme. Les alcooliques ne se rebellent pas, où quand ils le font, c'est facilement surmontable, et facilement pardonnable : "J'avais trop bu". Le rebelle est après définitivement déconsidéré. D'ailleurs, puni faiblement, il est déconsidéré.
Aujourd'hui, la modernité, c'est l'esclavage par dette. Dette d'état, dette immobilière, dette étudiante, dette personnelle...
Certaines sont délicates à manier. Aux USA, il suffit de rendre les clefs pour éteindre la dette, et il existe la banqueroute. Sauf pour le prêt étudiant. Pour là, rien. 700 000 retraités US n'ont pas remboursés leur dette étudiante. Pourtant, elle est d'une époque où les frais étaient donnés, par rapport à ce qu'ils sont.
Ailleurs, c'est variable selon les pays. En France, on aime bien l'esclavage "un crédit vous engage et doit être remboursé".