PESTIS...
Pour répondre à un internaute, on a oublié le sens latin de peste. Cela veut dire simplement, "maladie contagieuse", alors que la peste, dans notre langue d'aujourd'hui, veut simplement signifier Yersinia Pestis. On parle de peste aviaire, porcine, alors que cela ne désigne pas du tout la même chose. Henri II parlait de "maladie de peste", en parlant de la réforme. Cela donne une indication plus nette sur le sens. Quelque chose de contagieux.
Sans compter les maladies restées mystérieuses, comme la suette anglaise.
Toute maladie touchant l'espèce humaine agit de façon quasi identique. Elle pratique la sélection naturelle, comme dans les films catastrophe, où on voit des familles survivre, on ne sait pas pourquoi.
Dans le cas de la peste noire, le 1 % absolument résistant à la contamination. On a retrouvé pendant la pandémie de sida, des seuils identiques de résistance chez les prostituées d'Afrique Noire.
On a aussi des gens qui, en tombant malade, arrivent à dominer la maladie.
Et puis il y a le plus spectaculaire, les décès rapides et fulgurants. Il est à mon avis, difficile de penser que les pestes de - 500 av JC, de + 600, celles de 1347-1352, soient strictement les mêmes. Si les épidémies de grippe secouent la planète, c'est que ces pandémies viennent d'un virus très changeant, instable.
En outre, passé le premier choc, la deuxième génération est plus résistante. Elle additionne les malades survivants, leurs descendants à qui ils ont transmis leur immunité acquise et les individus absolument résistants, dont la proportion a doublé ou triplé, comme pendant la peste noire. L'agent responsable perd en virulence au cours des générations, soit que son hôte s'habitue, soit que lui même varie. Ou les deux.
Les bouffées épidémiques observées sont liés à un mode de propagation fragile, et au fait que certaines épidémies n'agissent pas comme elles devraient. Elles tuent trop, et trop vite. C'est le cas de la fièvre Ebola.
Donc, des maladies épouvantables, ont pu devenir des maladies chroniques, ou des maladies enfantines, sans conséquence.
La conquête de l'Amérique a donné une caisse de résonance extraordinaire à la question.
Les empires ont été abattus par les épidémies amenées par les conquérants, plus que par leurs armes.
La population mexicaine (Anahuac), passe de 25 millions, en 1517, à 1.5 million, un siècle plus tard, et sa reprise démographique a lieu à partir de 1700. La chute est d'ailleurs encore plus sévère qu'il apparait, le Mexique des espagnols de 1600, était beaucoup plus étendu. Ce qui est vraisemblable, c'est le passage de 50 millions à 1.5. Braudel dira que la population est remplacée progressivement par l'élevage.
Des maladies bénignes, pour les européens, sont souvent très virulentes, et se manifestent sans incubation.
En échange, une syphilis virulente est envoyée dans l'autre sens, une syphilis épouvantable, où la chair se détache des os... En 1511, elle a fait son tour du monde.
Aguirre (surnommé, "El Loco"), et ses compagnons décrivirent une Amazonie très peuplée, et une brillante civilisation. On ne les crût pas, parce qu'ils étaient des rebelles, et que les suivants ne trouvèrent que la jungle, sans doute, les populations avaient fortement déclinées avec les maladies amenées par l'expédition, et qu'entre temps, la jungle avait tout avalé.
L'expédition de Ponce de Lèon dans le sud de ce qui deviendra les USA décrit aussi un monde très différent de ce que trouveront les suivants.
La conquête de l'Amérique fut rendue possible par son effondrement démographique et son effet démoralisateur sur les civilisations organisées. La guerre bactériologique par excellence : avoir des soldats immunisés, contre des populations non immunisées. Un effondrement de 90 % semble avoir été la norme.
L'Afrique sera l'exemple inverse. La conquête européenne bute sur le caractère très malsain du continent, jusqu'au XIX° siècle, où la différence technologique devient trop importante. Mais là aussi, les mouvements de troupes et de populations seront très meurtriers, du fait des maladies qu'elles occasionnent...
Le commerce, le contact, tout ce qui fait la société "ouverte", est potentiellement prometteur d'épidémies. Comme disait Pasteur, il y aura une prochaine grande épidémie, mais l'espèce humaine est aussi plastique que résiliente. La lèpre a perdu sa virulence du moyen âge, ou a t'elle jamais existé ? Peu importe.
Personnellement, je pense simplement qu'elle a acquis une virulence qu'elle n'avait pas, que celle-ci a duré un certain temps, avant qu'elle régresse dans une norme et un bruit de fond plus bas. Le but de ces organismes vivant, c'est de se propager sans tuer leur espèce hôte. Alors, une épidémie considérée comme "sur le déclin", s'est adapté aussi à son milieu. Elle y vit, sans le détruire, ou en en détruisant le moins possible.